La Cour de cassation doit trancher mercredi sur la validité de la procédure judiciaire mettant en cause pour des faits de corruption au Togo le milliardaire Vincent Bolloré, qui estime sa présomption d’innocence définitivement bafouée.
M. Bolloré, 12e fortune de France selon Challenges, est mis en examen depuis 2018 pour corruption d’agent public étranger dans l’enquête sur l’attribution de la gestion du port de Lomé au Togo, entre 2009 et 2011. Il risque, en l’état, un procès devant le tribunal correctionnel de Paris.
Saisis depuis 2013, des juges financiers parisiens soupçonnent le groupe Bolloré d’avoir utilisé les activités de conseil politique de sa filiale Euro RSCG (devenue Havas) pour décrocher frauduleusement la gestion du port de Lomé, au bénéfice d’une autre de ses filiales, Bolloré Africa Logistics, anciennement appelée SDV, au moment de la campagne de Faure Gnassingbé à l’élection présidentielle.
En 2021, le magnat des médias avait tenté d’éviter un long procès en sollicitant, auprès de la juge d’instruction, une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC).
Le directeur général du groupe Bolloré de l’époque Gilles Alix, mis en examen pour corruption, et Jean-Philippe Dorent, directeur international chez Havas, mis en examen pour complicité d’abus de confiance, avaient fait de même.
Lors d’une CRPC en février 2021, les trois prévenus avaient reconnu les faits et accepté la peine négociée avec le parquet national financier (PNF), une amende de 375 000 euros. Mais le tribunal avait refusé d’homologuer la CRPC, jugeant la comparution des trois hommes en correctionnelle « nécessaire ».
Le dossier est retourné à l’instruction et depuis, le trio tente de faire annuler les mises en examen. Mercredi, la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire français pourrait rejeter leurs pourvois, et donc valider leurs mises en examen.
A l’inverse, les magistrats de la chambre criminelle pourraient mettre un terme à la procédure, en donnant raison aux mis en examen qui font valoir que leurs « droits fondamentaux » sont « irrémédiablement » atteints, notamment la présomption d’innocence, la loyauté de la procédure et le droit à un procès équitable, à cause des conséquences de la CRPC.
Selon plusieurs sources proches du dossier, l’hypothèse la plus probable serait que la Cour de cassation annule, ou demande à la chambre de l’instruction, d’annuler certaines pièces du dossier liées à la CRPC, sans pour autant remettre en cause les mises en examen.
La défense de M. Bolloré, 71 ans, demande notamment le retrait du dossier des courriers par lesquels ils sollicitent une CRPC, et qui comportent des aveux. Tout comme l’ordonnance de validation de la convention judiciaire d’intérêt public (Cjip) par laquelle le groupe Bolloré avait payé 12 millions d’euros d’amende contre l’abandon des poursuites.
Celle-ci est publique, se réfère à la reconnaissance de culpabilité des mis en examen et cite le « pacte de corruption », « organisé » par MM. Bolloré et Alix.
Lors de l’audience le 10 octobre, l’avocat général avait conclu au rejet des pourvois. Il y voyait un « contentieux quelque peu artificiel », puisqu’en cas de procès correctionnel « ni le ministère public ni les parties ne peuvent faire état des déclarations faites » dans le cadre de la CRPC.
La décision de la Cour de cassation « est capitale », a commenté Chanez Mensous, responsable de contentieux et de plaidoyer à l’association anticorruption Sherpa, constituée partie civile.
« Il est fondamental que ces affaires de corruption, qui contribuent à l’érosion de la confiance dans la démocratie, puissent faire l’objet d’un procès public », a-t-elle ajouté.
L’avocate aux conseils de M. Bolloré n’a pas souhaité s’exprimer avant la décision.