Emirats Arabes Unis : deux frères de la famille sud-africaine Gupta, arrêtés

Dubaï a annoncé mardi finaliser l’extradition de deux frères de la sulfureuse famille sud-africaine Gupta, arrêtés aux Emirats arabes unis après avoir été accusés dans un vaste scandale de corruption d’Etat en Afrique du Sud impliquant l’ex-président Jacob Zuma.

L’Afrique du Sud, qui cherche à amener Atul et Rajesh Gupta devant la justice depuis des années, avait annoncé lundi avoir reçu des informations des autorités des Émirats arabes unis, dont Dubaï fait partie, sur l’arrestation des deux frères fugitifs.

Le ministère de la Justice et des services correctionnels confirme l’arrestation des Gupta

Le ministère de la Justice sud-africain a déclaré lundi soir dans un communiqué avoir reçu confirmation : « Le ministère de la Justice et des Services correctionnels confirme qu’il a reçu des informations des autorités des Émirats arabes unis (EAU) selon lesquelles les fugitifs Rajesh et Atul Gupta ont été arrêtés ».

L’arrestation est intervenue à la suite d’un avis de recherche d’Interpol, une organisation internationale facilitant la coopération policière, actuellement dirigée par un responsable émirati, ont ajouté les autorités.

Les deux pays sont en discussion sur la procédure qui suivra, poursuit-il, ajoutant que « le gouvernement sud-africain continuera à coopérer avec les EAU ». Un accord d’extradition a été finalisé entre les deux pays l’année dernière.

Ajay, Atul et Rajesh Gupta, trois frères d’origine indienne et redoutable trio d’hommes d’affaires, sont accusés d’avoir pillé les caisses de l’Etat, avec la complicité de M. Zuma, pendant ses neuf ans au pouvoir (2009-2018).

Interpol a lancé en juillet un avis de recherche contre deux d’entre eux, dans le cadre d’un contrat douteux d’1,5 million d’euros (25 millions de rands) impliquant une entreprise liée à la famille.

Le procès dans cette affaire avait été reporté en juillet « en l’absence des accusés », avait expliqué le parquet national (NPA). Une nouvelle audience avait alors été fixée au 6 septembre au tribunal de Bloemfontein(centre).

Le troisième frère, Ajay, n’est pas concerné dans ce chapitre, mais il est cité dans une autre affaire de détournements de fonds et corruption.

« Capture d’Etat »

Les Sud-Africains ont inventé un terme pour qualifier cette corruption massive, ils appellent cela de la « capture d’Etat ». Un scandale qui rythme la vie politique et médiatique du pays depuis plusieurs années.

L’histoire commence en 2013 avec l’atterrissage d’un avion transportant 200 convives sur une base militaire près de la capitale Pretoria, réservée aux chefs d’Etat et aux manœuvres militaires, pour un mariage de la famille Gupta.

Les invités échappent à tous les contrôles d’immigration et profitent même d’une escorte policière jusqu’au lieu du mariage.

Au fil des révélations de presse, qui se succèdent à la manière d’un feuilleton sidérant, la proximité du trio d’hommes d’affaires d’origine indienne avec le président est petit à petit mise au jour.

Pressions pour l’attribution de contrats publics, influence sur le choix des ministres : fin 2016, un rapport accablant de la médiatrice de la République dévoile l’ampleur de leur emprise, précipitant la fin de règne de Jacob Zuma, poussé à la démission par l’ANC en 2018.

L’origine des frères

Ajay, Atul et Rajesh, aujourd’hui quinquagénaires, ont grandi dans une famille de classe moyenne à Saharanpur, dans le nord de l’Inde (Uttar Pradesh).

En 1993, un an avant l’élection à la présidence de Nelson Mandela, Atul s’envole vers Johannesburg, poussé par son père alors convaincu que l’Afrique du Sud allait devenir « la nouvelle Amérique », avait expliqué un porte-parole de la famille.

Il y sera rejoint par ses frères quelques années plus tard, notamment Ajay qui a suivi des études d’expert-comptable à New Delhi.

Si l’Afrique du Sud n’est pas forcément devenue l’Eldorado imaginé par le patriarche Gupta, les frères ont réussi en moins de vingt ans à y bâtir un puissant conglomérat d’entreprises qui en a fait une des familles les plus riches du pays.

En 1994, ils créent Sahara Computers, entreprise informatique qui a employé jusqu’à 10 000 personnes, avant sa liquidation en 2018. Ils possédaient aussi des parts dans plusieurs mines, notamment d’uranium, et des médias progouvernementaux qui ont depuis disparu.

Leur luxueuse propriété de Johannesburg a été le théâtre de nombreuses fêtes et conciliabules avec des hommes politiques, révélées par la presse et lors des auditions de la commission d’enquête sur la corruption présidée depuis 2018 par le juge Raymond Zondo.

Une famille proche de Zuma

Jacob Zuma ne s’est jamais caché de son amitié avec la famille, qu’il a rencontrée au début des années 2000 avant son accession à la magistrature suprême, en 2009.

Un des fils du président, Duduzane Zuma, a dirigé Sahara Computers et siégeait au conseil d’administration de plusieurs mines du groupe.

En 2016, le vice-ministre des Finances Mcebisi Jonas a affirmé que les Gupta lui avaient proposé le portefeuille du Trésor.

Et le ministre des Finances de l’époque, Pravin Gordhan, a dévoilé plus de 70 transactions considérées comme « suspectes » d’entreprises détenues par les Gupta, pour un montant de 461 millions d’euros. Il sera limogé en mars 2017.

Un ancien haut responsable du géant public de l’électricité Eskom, Zola Tsotsi, a décrit devant une commission d’enquête parlementaire le pouvoir de la fratrie. « Tony (surnom de Rajesh Gupta) m’a dit un jour (…): ‘Nous sommes ceux qui vous ont mis en place, nous pouvons vous en faire partir' ».

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