365 jours du CNRD : de l’euphorie au doute !

Que le temps passe vite !  5 septembre 2021-5 septembre 2022. Cela fait exactement jour pour jour 12 mois, c’est-à-dire 52 semaines soit 365 jours, que le colonel Mamadi Doumbouya et ses compagnons ont pris le pouvoir, pour s’installer au Palais des Nations, à la tête de l’exécutif.

Accueillis dans la liesse populaire aux premières heures du putsch, les militaires, venus « sauvés » les Guinéens des griffes du vieux président, Alpha Condé,  gèrent le pays depuis ce 5 septembre d’une main de fer dans un gant de velours : avec la mise à la retraite de plusieurs officiers des forces de défense et de sécurité y compris 352 travailleurs de la Fonction Publique, la récupération des biens immobiliers de l’Etat, la restitution des biens immobiliers de la famille de feu Ahmed Sékou Touré, le retour au bercail et la réconciliation du capitaine Moussa Dadis Camara et du général Sékouba Konaté, la mise en place d’une Cour de Répression des Infractions Économique et Financière avec l’incarcération de plusieurs anciens dignitaires du régime déchu, des principaux leaders politiques en exil, l’organisation des journées des assises nationales, la revue à la hausse des salaires des fonctionnaires et des bourses d’entretien des étudiants, la reprise et la finition des travaux engagés par l’ancien régime, sans oublier le combat contre l’inflation.

Depuis le 5 septembre, le CNRD souffle le chaud et le froid, ce qui a ressuscité les vieux démons des manifs  sur l’axe Hamdallaye-Bambeto-Coza-Wanidara et galvaniser les « démagogues » qui applaudissent à tout rompre à chaque acte posé par le colonel.

Les premiers actes forts : des nominations et la libération des prisonniers

Rappelons que ce samedi 5 septembre, les Guinéens se sont réveillés devant le fait accompli. Les éléments du Groupement des Forces Spéciales, sous la direction de leur commandant d’alors, le Lieutenant-colonel Mamadi Doumbouya, après avoir pénétré, au bout de quelques heures de combats, le Palais Sekhoutoureya, ont arraché manu militari l’ex-président Alpha Condé de son sommeil, l’ont arrêté. Ils sonnèrent ainsi le glas d’un règne qui aura duré deux quinquennats et un an. Si beaucoup de Guinéens étaient surpris, certains s’attendaient tout de même à un tel scénario de fin de règne.

Ainsi, dans la foulée, à la mi-journée de ce 5 septembre, une déclaration du Comité Nationale de Rassemblement et du Changement lu via les réseaux sociaux puis sur les ondes des médias d’Etat par le colonel Mamady Doumbouya, le putschiste en chef, entouré de certains de ses éléments, explique à l’opinion nationale et internationale les raisons de la prise du pouvoir, rassure et fixe les grandes lignes de ce qui va se passer dans les jours qui suivront.  Ce colosse noir au calme olympien, coiffé du béret rouge portant l’insigne des forces spéciales, annonce la rédaction d’une nouvelle Constitution, la refondation de l’Etat, de la réforme du système électoral, la refonte du fichier électoral, la lutte contre la corruption et appelle ses compatriotes à l’unité nationale et à la réconciliation.

Le lendemain, c’est-à-dire le 6 septembre, commence la nomination et l’installation de huit nouveaux gouverneurs de régions et les trente-et-trois nouveaux préfets. Tous issus des rangs des forces de défense et de sécurité. Entre la prise du pouvoir et les premiers actes de nominations, tout va vite pour le leader de la junte qui a envie de vite tourner la page du régime Alpha Condé.  C’est ainsi comme d’ailleurs à la faveur de tout coup d’Etat, ils ouvrent les portes des bagnes et font libérer des dizaines de prisonniers politiques qui y croupissaient depuis des mois parfois sans avoir été jugés.

Arrivées à Conakry des premières délégations de la CEDEAO, concertations des forces vives et mise en place de la charte de la transition suivies l’investiture

Le 17 septembre, deux chefs d’Etat de la sous-région, Nana Akufo Addo du Ghana, alors président en exercice de la CEDEAO et Alassane Ouattara de Côte d’Ivoire effectuent une visite à Conakry au nom de l’organisation ouest-africaine. Les jours qui suivent, le nouveau maître du pays entreprend les concertations nationales élargies à toutes les forces vives au Palais du Peuple.  Ces concertations déboucheront sur l’élaboration de la Charte de la Transition le 27 septembre. Cette charte qui fait du colonel Mamadi Doumbouya, le président de la Transition et qui prévoit la mise en place d’un Conseil national de la transition (CNT). Celui-ci fera office de parlement et devra rédiger la prochaine constitution.

Le 1er octobre, le colonel Mamady Doumbouya est investi comme Président de la République de Guinée, président du CNRD, chef Suprême des armées. Une cérémonie suivie d’une adresse à la nation pour la commémoration de la fête de l’indépendance. Ici, le colonel Mamadi Doumbouya va profiter de ce discours à la nation pour gracier 287 autres prisonniers politiques. Depuis, le QG de la junte est transféré au Palais Mohammed V qui devient le nouveau palais présidentiel.

Le 6 octobre, Mohamed Béavogui est nommé Premier ministre pour former un gouvernement de 27 membres dont deux secrétaires généraux. Pour ajouter l’utile à l’agréable, un léger soulagement des populations est annoncé. Le litre du carburant à la pompe passe de 11000 à 10000 GNF, réduisant du coup les frais de transports.  Au même moment, se tient à Accra, au Ghana, le sommet extraordinaire des chefs d’Etat de la CEDEAO pour suspendre la Guinée de toutes ses instances, interdire les nouvelles autorités et leurs familles de voyager dans l’espace CEDEAO. Au cours de ce sommet du 7 octobre, il a été désigné un facilitateur en la personne d’Ibn Chambas, pour, dit-on, résoudre la « crise » guinéenne. Le lendemain du choix de l’émissaire ouest-africain, le CNRD récuse la personne du Ghanéen Mohamed Ibn Chambas

La réplique du gouvernement guinéen à la CEDEAO

Quelques semaines après la visite des deux chefs d’Etat à Conakry, un sommet extraordinaire s’est tenu dans la capitale Ghanéenne. Sommet au cours duquel le cas guinéen a été évoqué. Malgré que la CEDEAO n’ait pas été ferme à l’égard de la junte guinéenne dans son communiqué au sortir du sommet extraordinaire des chefs d’Etat et de gouvernement, le gouvernement de la transition n’a pas été tendre avec l’organisation sous-régionale.

« Nous sommes déçus parce que la Guinée continue d’avancer au rythme de son peuple. Le CNRD et le gouvernement ont posé des actes qui sont de nature à aller dans le sens de la sortie de la transition. Ces actes sont pour l’instant très positifs et encourageants. Et la CEDEAO doit aussi comprendre qu’on n’évolue pas vers la démocratie sous le diktat. Il faut absolument que la CEDEAO comprenne la situation de la Guinée et ne pas considérer la Guinée comme un pays en guerre ou un pays en crise. Ce sont les crises qui ont abouti à la situation actuelle. Donc, il ne faut pas que la CEDEAO aussi, dans ses prises de position, renforce la méfiance entre les acteurs en Guinée. Ce qui est important, c’est que la CEDEAO doit être à l’écoute des institutions, à l’écoute des peuples. Ce qui n’a jamais été le cas ». Cette réplique du porte-parole du gouvernement n’est pas faite pour arranger les choses.

L’ultimatum de la CEDEAO à la junte

Lors du deuxième sommet extraordinaire, à Accra, les Chefs d’Etat de la CEDEAO ont pour une fois encore passé en revue la situation en Guinée. Au cours de cette rencontre sous-régionale, la pression s’est accentuée sur la junte guinéenne. L’organisation sous-régionale relève que le délai de 6 mois n’a pas été respecté et que le chronogramme de la transition n’est toujours pas disponible, sans oublier selon la CEDEAO, le manque de dialogue politique dont la conséquence est la dégradation de la situation sociopolitique. Ce constat fait, la CEDEAO demande, entre autres, un chronogramme de la transition avant le 25 avril, menaçant de prendre des sanctions économiques et financières, au cas où ce délai ne serait pas respecté…

Pour calmer l’ardeur de la communauté internationale, le président de la transition, le Colonel Mamadi Doumbouya  procède le vendredi 25 mars, à la nomination des membres du Comité national des assises co-présidé par Mgr Vincent Koulibaly et Elhadj Saliou Camara.  .

Mise en place du gouvernement, recueillements sur les tombes de grandes figures nationales : les germes d’une réconciliation…

Après la mise en place du gouvernement, le mois de novembre a été consacré à la retraite des ministres, des secrétaires généraux et plus tard les chefs de cabinet dans les bases militaires des Forces Spéciales et des Commandos en attente de Samoroya respectivement à Forécariah et à Kindia. Ceci, pour dit-on, renforcer la cohésion de l’équipe et s’approprier la connaissance de la gestion des ressources publiques. Une première en République de Guinée.

Mais bien avant ces retraites inédites, le colonel Mamadi Doumbouya et son équipe ont multiplié des actions d’apaisement et de réconciliation. C’est ainsi, qu’ils ont effectué des visites mémorables sur les tombes des anciens présidents de la République, Sékou Touré, le général Lansana Conté et sur celles des militaires martyrs exécutés nuitamment et sans procès au pied du Mont Kakoulima, dans la région du Dubréka. Ils se rendent ensuite chez l’ex-Première dame Andrée Touré, veuve du premier président de la République. Il restitua aux héritiers de feu président Sékou Touré, les Villas de Bellevue qui leur avaient été spoliées par l’État depuis 37 ans. Auparavant, le Colonel Doumbouya s’est recueilli au cimetière de Bambéto sur les tombes d’une centaine de victimes des répressions policières sous Alpha Condé.

Coup de canif dans le fichier des agents de la Fonction publique : plus de 6 mille fonctionnaires et des forces de sécurité et de défense mis à la retraite

L’acte le plus marquant et qui a suscité beaucoup d’espoir chez les jeunes guinéens, c’est la mise à la retraite des vieux fonctionnaires qui trainaient jusqu’ici leur bosse dans l’administration publique. Et surtout la reprise du recensement des fonctionnaires sur toute l’étendue du territoire pour mieux tamiser et détecter tous les fictifs et rongeurs du fonds des caisses de l’Etat. Certains parmi eux ont longtemps sucé le sang et la sueur des vrais travailleurs…

Pour rassurer les Guinéens et la communauté internationale de leur volonté de préserver la paix, la quiétude et respecter le droit de l’homme, le président du CNRD, président de la Transition, le colonel Mamadi Doumbouya et ses compagnons ont transféré Alpha Condé, l’ex président de la République déchu, au domicile de son épouse, sis à Landréah, dans la commune de Dixinn. Pendant trois mois, dix jours, le CNRD a multiplié des gestes d’apaisement du climat politique et des tensions sociales qui couvaient dans le pays durant la dernière décennie. Cette marche inexorable vers la réconciliation est la marque indélébile du trimestre que le colonel Mamady Doumbouya et ses compagnons ont eu à faire au sommet de l’Etat.

Du social à l’économie, il n’y a qu’un pas. Septembre, octobre et décembre 2021, ces trois mois de conception au forceps et de la pose de la première pierre de la refondation d’une Guinée nouvelle et de la naissance du Guinéen Nouveau, resteront longtemps gravés dans les annales de l’histoire de ce pays. Les jours suivants connaîtront la levée des barrages sur l’ensemble du territoire national et la mise à la retraite de 42 généraux, 909 militaires, 123 douaniers et 537 fonctionnaires-policiers. Du jamais vu depuis l’indépendance de la République de Guinée.

Dans un Arrêté pris le 22 décembre 2021, le ministre de la Fonction publique et du Travail, Julien Yombouno annonce la mise à la retraite de 352 fonctionnaires et contractuels de divers départements, gouvernorats, préfectures et communes. Les cadres concernés par cet Arrêté sont ceux qui ont atteint la limite d’âge de leur hiérarchie et catégorie. Et évidemment cette mise à la retraite est entrée en vigueur à partir du 31 décembre 2021.

Le retour au pays du Capitaine Moussa Dadis Camara et le Général Sékouba Konaté

Dans sa quête de réconciliation, le nouvel homme fort du pays, le colonel Mamadi Doumbouya demande le retour de ses deux frères d’armes qui ont dirigé le pays avant lui : le capitaine Moussa Dadis Camara et le général Sékouba Konaté. Ainsi, le jeudi 23 décembre, l’ancien chef de la junte, le Capitaine Moussa Dadis Camara, après une décennie d’exil, atterrit à l’aéroport International, Ahmed Sekou Touré. C’est un Moussa Dadis Camara à la belle allure, qui fut accueilli ce jeudi par une foule de partisans, mobilisés pour la circonstance. Signe des temps, à sa descente de l’aéronef à bord duquel il a regagné le bercail, l’ex chef de l’Etat guinéen, vêtu d’une veste bleue et arborant une cravate rose, s’est agenouillé en signe sans doute, « d’humilité et d’adoration à l’égard de Dieu ». Tenant la bible dans une main et le coran dans l’autre, le regard dans le vide. Les 11 ans d’exil vécus au Burkina Faso ont certainement eu raison de toute cette fougue. L’homme, dès son atterrissage se dit prêt à répondre à la justice dans le cadre du massacre du 28 septembre 2009. Histoire sans doute de soulager sa conscience, face à cette tragédie.

En exil depuis l’avènement d’Alpha Condé au pouvoir en 2010, l’ancien président de la transition guinéenne de 2010 est arrivé à Conakry dans la soirée de ce vendredi 24 décembre 2021 après onze ans d’exil. A sa descente d’avion, il le général Sékouba Konaté, a rendu un vibrant hommage au colonel Mamadi Doumbouya qui, rappelons-le, a été le grand artisan de ce retour  au bercail. Il a salué à cet effet l’esprit d’ouverture prôné par le président du CNRD ainsi que « son sens élevé de responsabilité ».

Le Colonel Doumbouya réconcilie les deux anciens présidents

Vingt quatre heures après leur retour au pays, ils ont été reçus par le Président du Conseil National du Rassemblement pour le Développement, Président de la transition, le Colonel Mamadi Doumbouya, dans la salle de banquet du Palais Mohammed V. L’objectif de cette rencontre solennelle entre le Président Colonel Mamadi Doumbouya et ses frères d’armes, était de parler de la réconciliation, du rassemblement et de l’unité nationale.

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