Le dernier rapport de l’International Finance Corporation (IFC), relevant de la Banque mondiale, sur les taux de défaut de son portefeuille révèle des défis persistants dans le financement des économies africaines. Avec un taux de défaut historique de 6,7%, l’Afrique subsaharienne affiche le taux le plus élevé parmi toutes les régions couvertes par la Banque Mondiale.
Cette tendance souligne les risques inhérents au financement du développement sur le continent. Si l’Afrique subsaharienne arrive en tête des mauvais créanciers, elle est suivie du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (4,1%), et de l’Asie du Sud (3,6%).
Le taux de défaut de portefeuille de l’IFC fait référence au pourcentage de prêts dans son portefeuille où l’emprunteur n’a pas été en mesure de rembourser le prêt comme convenu. C’est un indicateur clé utilisé par les institutions financières pour mesurer le risque de crédit de leurs investissements dans différentes régions.
Le rapport souligne que le taux de défaut élevé en Afrique est principalement attribuable aux investissements réalisés avant 1996. Cependant, une analyse plus approfondie par groupe de revenu montre que les économies à faible revenu, dont de nombreux pays africains, connaissent toujours des taux de défaut substantiellement plus élevés (8,6%) que les autres groupes.
Cette situation reflète les défis multidimensionnels auxquels sont confrontées les économies africaines pointées du doigt: instabilité politique, vulnérabilité aux chocs exogènes, insuffisances infrastructurelles et faiblesse de l’environnement réglementaire et institutionnel. Mais aussi la dépendance aux exportations de matières premières, qui rend ces économies vulnérables aux chocs extérieurs sur les cours mondiaux. A cela s’ajoutent, les faiblesses institutionnelles et la faible diversification économique entravant la productivité et la compétitivité de ces économies. Ce qui fragilise leur capacité de remboursement. Ces facteurs se conjuguent pour accroître les risques d’investissement et entraver le développement du secteur privé.
Parmi les pays à faible revenu figurant dans le rapport, plusieurs cas africains illustrent ces enjeux. Au Mozambique, les défauts ont été exacerbés par la découverte en 2016 de prêts secrets contractés par des entreprises publiques, plongeant le pays dans une crise de la dette. En République Démocratique du Congo, l’instabilité politique chronique et les conflits armés récurrents ont lourdement pesé sur l’environnement des affaires.
Néanmoins, certains pays à revenu intermédiaire comme le Kenya, l’Ethiopie et la Côte d’Ivoire ont réussi à attirer des investissements importants ces dernières années, témoignant d’une amélioration progressive du climat des affaires. Le Maroc et l’Afrique du Sud, considérés comme des économies à revenu intermédiaire supérieur, affichent également des taux de défaut relativement bas.
Manufacture, agro-industrie, services… les secteurs à risque
Au-delà des aspects macroéconomiques, le rapport souligne également les différences sectorielles. Le secteur manufacturier, l’agro-industrie et les services concentrent les taux de défaut les plus élevés (5,6%), reflétant les difficultés opérationnelles récurrentes dans ces domaines en Afrique. En revanche, les secteurs financiers et des infrastructures présentent des profils de risque plus favorables.
L’analyse par notation de crédit interne de l’IFC corrobore ces constats. Les contreparties africaines se concentrent majoritairement dans les catégories de risque «faible» et «modéré», avec des taux de défaut plus élevés que dans d’autres régions. Cependant, ces notations reposent sur des données limitées dans le temps (depuis 2017 seulement).
En définitive, ce rapport confirme les défis persistants du financement privé en Afrique mais souligne aussi les progrès réalisés dans certains pays et secteurs. Pour réduire durablement les taux de défaut, «des efforts soutenus seront nécessaires pour améliorer le climat des affaires, renforcer la gouvernance et diversifier les économies. Une approche coordonnée, impliquant les gouvernements, les institutions financières et le secteur privé, sera essentielle», souligne l’IFC. Seule une croissance économique inclusive et durable permettra d’attirer davantage d’investissements privés et de créer les emplois dont le continent a cruellement besoin.