Les négociations entre l’armée et les paramilitaires en guerre depuis plus de six mois au Soudan vont reprendre sous médiation américano-saoudienne à Jeddah, en Arabie saoudite, a annoncé mercredi l’armée dirigée par le général Abdel Fattah al-Burhane.
Depuis le 15 avril, le conflit a fait plus de 9.000 morts, selon un bilan très sous-estimé de l’ONU, et 5,6 millions de personnes déplacées et réfugiées. Différentes tentatives de médiation, principalement celles déjà organisées à Jeddah, n’ont cessé d’échouer, ne permettant que de décrocher de brèves trêves.
« A l’invitation de l’Arabie saoudite et des Etats-Unis appelant à reprendre les négociations avec les rebelles de la milice FSR, et parce que nous croyons que les négociations sont un moyen qui pourrait permettre de mettre fin à la guerre, nous avons accepté l’invitation à Jeddah », indique un communiqué publié par l’armée soudanaise.
« La reprise des négociations ne signifie pas un arrêt de la bataille », précise toutefois le texte.
Les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohamed Hamdane Daglo, eux, n’ont pas encore annoncé leur position.
Ces pourparlers, qui avaient été suspendus en juin, porteront sur « un cessez-le-feu, l’accès sans entraves de l’aide humanitaire » au Soudan et d’« autres mesures de confiance« , a déclaré à des journalistes un haut responsable du département d’Etat s’exprimant sous le couvert de l’anonymat.
Très actifs sur ce dossier, les Etats-Unis ont multiplié les contacts pour assurer cette reprise des pourparlers et le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken en a finalisé les termes lors d’un déplacement la semaine dernière en Arabie saoudite, selon un autre responsable américain.
Des représentants des pays de l’Igad, composé du Kenya, de Djibouti, de l’Ethiopie et du Soudan du Sud, se joindront aux discussions de Jeddah au nom de l’Union africaine, selon la même source.
L’objectif est de faire en sorte que ces pourparlers puissent aboutir à terme à une cessation complète des hostilités.
A plus long terme encore, les Etats-Unis encouragent la constitution d’un « front civil » au Soudan permettant d’assurer une transition démocratique.
Mais les pourparlers de Jeddah « n’aborderont pas les questions politiques plus larges », a dit l’un des responsables américains.
« Il n’y a pas de solution militaire acceptable et nous exhortons l’armée soudanaise et les FSR à aborder ces discussions dans un esprit constructif », a-t-on affirmé de même source.
« Cauchemar humanitaire«
Alors que le conflit s’enlise et la situation humanitaire se dégrade, les deux parties ont fait part en privé de leur volonté de reprendre les discussions.
Elles « ressentent les effets de combats soutenus (…) et, franchement, la situation humanitaire a continué à se détériorer, leur mettant la pression », a avancé l’un des responsables américains.
La guerre au Soudan –qui a pris une tournure ethnique au Darfour (ouest) où l’ONU enquête sur un possible _ »génocide »_– est « l’un des pires cauchemars humanitaires de l’histoire récente », selon les Nations unies.
Aujourd’hui, sur 48 millions de Soudanais, plus de la moitié a besoin d’aide humanitaire pour survivre, ne cessent de répéter les humanitaires qui dénoncent les entraves au déplacement et à l’approvisionnement de la part des autorités soudanaises mais aussi l’absence d’engagement des bailleurs internationaux qui ne financent qu’un quart de leurs besoins.
« Depuis six mois, les civils (…) n’ont connu aucune pause dans le bain de sang et la terreur », déclarait récemment Martin Griffiths, le chef de l’aide humanitaire des Nations unies.
Selon l’ONU, « le nombre de familles souffrant de la faim a presque doublé » depuis un an et « 700 000 enfants souffrent de malnutrition aiguë sévère ».
D’après une projection de l’université américaine Johns Hopkins, « au moins 10 000 enfants de moins de cinq ans pourraient mourir d’ici fin 2023 ».
En outre, des millions d’enfants sont exposés au choléra, à la dengue, à la rougeole et au paludisme, alors que 70% des hôpitaux des zones de conflit sont hors service.
Avec plus de 7,1 millions de personnes déplacées à l’intérieur du pays –-dont 4,5 millions depuis le début du conflit-–, le Soudan compte désormais le plus grand nombre de personnes déplacées au monde, rapporte l’ONU.