La dot au Gabon : le difficile mariage des coutumes et de l’évolution sociale

Des marchandises, des espèces sonnantes et trébuchantes, mais surtout une parfaite maîtrise de l’art oratoire, voici les armes que tout futur marié, du moins du point de vue de la coutume, doit avoir dans son escarcelle. Ce sont des moyens sans lesquels la probabilité d’une cérémonie traditionnelle de mariage est quasi nulle au Gabon. «La dote est culturelle. Par exemple chez nous les Fang d’Oyem, vous pouvez épouser une femme à l’état civil, mais si vous n’avez pas encore versé la dot dans nos familles au Grand Nord, personne n’aura de la considération pour vous», relate Menzui M’Engongha, responsable du Centre des œuvres universitaires.

En effet, ne se marie plus au Gabon qui veut, mais qui peut! Et c’est devenu normal, quand on sait que la liste des présents et espèces sonnantes à débourser en guise de dot. Cette pratique, quoique culturelle, indigne Judith. «Au départ, il faut se demander si toutes ces familles inculquent à leurs enfants la valeur symbolique du mariage? Derrière cette pratique, il y a aussi le suivisme. Tout le monde veut faire comme tout le monde au mépris des valeurs coutumières du mariage…», constate avec désolation, la jeune étudiante.

La plupart des personnes interrogées sur la question estiment qu’il faut conserver l’esprit et la lettre du mariage coutumier. L’adapter à l’évolution de la société et recadrer les pratiques en tenant compte des réalités sociolinguistiques et socioculturelles gabonaises. «Le mariage coutumier nous permet d’honorer les parents et de concilier les familles. Le mariage c’est pas seulement entre deux personnes. C’est aussi l’union entre deux familles. Donc, dépenser des sommes exorbitantes pour le coutumier c’est exagéré! Ça devrait être beaucoup plus un geste symbolique», estime pour sa part l’universitaire Charlène.

Au Gabon la dot est le fondement du mariage coutumier, parce qu’elle tient sur des raisons d’union et de dynamique des familles, des clans et des tribus. C’est pourquoi, elle est animée par le jeu oratoire des représentants des familles paternelles des deux futurs mariés. Lesquels doivent décliner et remonter l’arbre généalogique de chaque famille. Enseignant chercheur, Tessa Moundziegou pense que le montant de la dot en numéraire devrait être facultatif. «Si j’ai eu la chance d’avoir une femme à la hauteur de mes attentes, la valeur que je lui accorde est inestimable. Mais je peux décider de la doter à 15 millions. En tout cas on le fait sans compter, sans remords, mais si c’est une forme d’imposition et là ça devient un frein à l’épanouissement du couple», soutient-il.Seulement deux ans après son adoption, la réforme défendue par les parlementaires présente des limites dans sa mise en œuvre. Les époux reconnus par la coutume ne bénéficient d’aucun droit ni protection, notamment en cas de succession. Une sorte de mariage pour l’amour sans effet juridique.

Ismael Obiang Nze, Libreville

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