Les chocolatiers mondiaux font face à une baisse significative des produits dérivés du cacao (beurre, liqueur, poudre…) et une flambée des prix du produit dont le cours a atteint des niveaux jamais égalés depuis 1977.
Une situation qui s’explique par une pénurie de fèves de cacao consécutive principalement aux mauvaises récoltes en Côte d’Ivoire (40% de la production mondiale) et au Ghana (20% de la production mondiale).
En 2022, la Côte d’Ivoire et le Ghana ont produit 3,3 millions de tonnes de cacao -2,2 millions pour la Côte d’Ivoire et 1,1 million de tonnes pour le Ghana- sur une production mondiale d’environ 5 millions de tonnes, s’accaparant une part de marché de 67%.
Leur production est en baisse à cause des effets du phénomène climatique El Niño qui se traduit par une hausse de la température à la surface de l’eau, provoquant des épisodes de chaleur et de sécheresse dans la région d’Afrique de l’Ouest.
Or, le cacao est une culture exigeante qui a besoin de nombreuses conditions optimales pour prospérer, notamment des températures constantes et une protection contre le vent. En plus du phénomène climatique, la baisse de la production s’explique aussi par le vieillissement des cacaoyers et de l’impact de maladie causée par le virus du swollen shoot qui réduit la productivité des plantations.
Selon les prévisions de l’Organisation internationale du cacao, le déficit atteindra 375.000 tonnes en 2023-2024, contre 74.000 tonnes en 2022-2023, avec une production mondiale de 4,45 millions de tonnes pour la campagne en cours, contre 4,99 millions de tonnes lors de la précédente.
Un déficit qui accentue le déséquilibre entre l’offre et la demande de cacao brut. Alors que l’offre baisse de 11%, la demande moniale ne devrait reculer que de près de 5% pour s’établir à 4,80 millions de tonnes.
Conséquence, les prix du cacao ont plus que doublé au cours de l’année écoulée atteignant des niveaux record. Le cours du cacao atteint des cours inédits depuis 50 ans à New York et à Londres où le produit est coté.
Ainsi, le cours du cacao a entamé un nouveau rallye depuis le 20 février et franchi le seuil des 7.000 dollars le 15 mars pour s’établir à 7.405 dollars, battant de loin son plus haut niveau depuis 1977 à 5.379 dollars. A Londres, la tonne se paye 5.000 livres sterlings. La tonne a donc été multipliée par environ 2,8 en l’espace d’une année.
Les unités de transformation de cacao brut font alors face à une quantité de fève en baisse et surtout à des prix très élevés. En Côte d’Ivoire, où l’Etat encourage la transformation locale, les transformateurs déclarent ne pas disposer de moyens suffisants pour s’approvisionner. Transcao, entreprise contrôlée par l’Etat ivoirien, a déclaré avoir cessé d’acheter des fèves en raison de la flambée des prix et ne transforme plus que ses stocks. D’autres acteurs de la transformation contrôlés également par l’Etat ivoirien pourraient fermer faute de fève de cacao.
Les entreprises ivoiriennes ne sont pas les seules impactées par cette situation. Même le négociant mondial Cargill peine à trouver des fèves pour son unité de transformation en Côte d’Ivoire.
Cela est également valable pour les entreprises ghanéennes dont certaines avaient suspendu leurs activités durant des semaines l’année dernière en raison de la pénurie de fèves. Les transformateurs locaux sont concurrencés par les négociants mondiaux aux assises financières beaucoup plus solides et donc à même d’offrir des prix élevés afin de s’assurer des quantités suffisantes qui leur permettent de respecter leurs engagements envers les géants mondiaux du chocolat. Une conjoncture qui contribue à faire grimper les prix et nuire aux transformateurs de cacao et producteurs locaux de chocolat.
Résultat, la chaîne de valeur du marché de cacao, qui était jusqu’à présent très structurée, est perturbée par l’incapacité des transformateurs locaux et des négociants à acquérir les quantités souhaitées de produits transformés et à faire face à la flambée des prix.
Or, les chocolatiers ne peuvent pas produire du chocolat à partir du cacao brut et dépendent des transformateurs de fèves en beurre, poudre et liqueur de cacao.
Les géants chocolatiers mondiaux -Nestlé, Mondelez, Hershey, Lindt…- font face à cette pénurie et à la flambée des prix. Le marché mondial du cacao et du chocolat devrait passer d’une valeur de 48 milliards de dollars en 2022 à près de 68 milliards de dollars d’ici 2029.
Et avec la tonne de cacao à plus de 7.000 dollars, il faut s’attendre à de nouvelles hausses des produits chocolatés. En France, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques, les boissons cacaotées et les chocolats à croquer ont augmenté respectivement de 23,3% et 17,3% entre janvier 2022 et mi-février 2024.
Depuis cette date, on a assisté à nouvelle flambée du prix cacao. Une situation qui va se traduire par de nouvelles hausses des prix des produits à base de cacao avec le risque de plomber la demande de chocolat dans le monde.
Et comme un malheur n’arrive jamais seul, le sucre qui entre dans la fabrication des douceurs cacaotées, a vu son cours progresser depuis quelques temps, les projections tablent sur une hausse de 20% durant l’année en cours. Le chocolat risque d’avoir un goût amer cette année…
Par Moussa Diop