Le gazoduc Maroc-Nigeria est plus que jamais au-devant de la scène. Le conflit russo-ukrainien qui a éclaté en février 2022 et la décision de l’Europe de s’affranchir de sa forte dépendance énergétique vis-à-vis de Moscou, ainsi que la décision d’Alger de ne pas renouveler le contrat du gazoduc Maghreb-Europe et son impact sur ses partenaires européens (notamment l’Espagne), sont autant d’éléments qui mettent ce mégaprojet au cœur de la nouvelle géopolitique de l’énergie et confirment le caractère visionnaire de ses initiateurs.
La carte mondiale des gazoducs est en voie de voir naître un nerf géant : le gazoduc Maroc-Nigeria. Né sous l’impulsion de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, le projet de cette autoroute gazière s’annonce comme le plus long gazoduc offshore au monde. Reliant le Nigeria au Maroc en longeant la façade atlantique ouest-africaine sur environ 5.700 kilomètres, ce gazoduc devrait également traverser les côtes du Bénin, du Togo, du Ghana, de la Côte d’Ivoire, du Liberia, de la Sierra Leone, de la Guinée, de la Guinée-Bissau, de la Gambie, du Sénégal et de la Mauritanie (tous membres de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest-Cédéao, à l’exception de la Mauritanie). Estimé à 25 milliards de dollars, ce projet permettrait d’électrifier la région et profiterait à plus de 300 millions de personnes en favorisant l’émergence de pôles industriels et en encourageant le développement de filières industrielles, de transformation alimentaire et d’engrais, tout en positionnant la région en tant que nouveau pôle d’approvisionnement pour l’Europe.
Où en sont les études ?
Ce projet de gazoduc Maroc-Nigeria, consistant en la construction d’une extension vers le Maroc du gazoduc ouest-africain (GOA, long de 678 kilomètres) en fonctionnement depuis 2010 (qui relie les zones gazières du sud du Nigeria au Bénin, au Togo et au Ghana), a été annoncé lors de la visite d’État du Souverain au Nigeria en décembre 2016.
• Au mois de mai 2017, des accords de coopération ont été signés à Rabat engageant les deux parties à financer une étude de faisabilité (achevée en juillet 2018) ainsi qu’une étude d’ingénierie préliminaire (FEED, réalisée par le cabinet britannique Penspen) rendue au premier trimestre 2019.
• En juin 2018, des accords pour sa construction ont été signés à Rabat. Le 24 mars dernier, le Maroc et le Fonds de l’OPEP pour le développement international (OPECFUND) ont procédé à la signature de la documentation juridique relative au financement d’un montant de 14,3 millions de dollars d’une partie de la deuxième phase de l’étude d’ingénierie préliminaire (confiée à Intecsea, filiale de l’australien WorleyParsons). Cette deuxième phase de la FEED, nécessitant 90,1 millions de dollars, est co-financée également par les gouvernements marocain et nigérian et la Banque islamique de développement.
Financement
Le Nigeria et le Maroc sont toujours à la recherche de fonds pour financer le mégaprojet de gazoduc visant à acheminer le gaz nigérian à l’Afrique du Nord et à l’Europe, a déclaré, lundi 2 mai, le ministre nigérian du Pétrole, Timipre Sylva, cité par Reuters. «Aujourd’hui, le projet est toujours à l’étude», a affirmé M. Sylva, ajoutant que «nous en sommes à la sécurisation du financement et beaucoup de personnes manifestent leur intérêt». «Les Russes étaient dans mon bureau la semaine dernière, ils sont très désireux d’investir dans ce projet», a encore indiqué le ministre, précisant que «pour l’heure, aucun accord sur le financement n’a été trouvé».
«Il y a beaucoup d’intérêt à l’international, mais nous n’avons pas encore identifié les investisseurs avec lesquels nous voulons travailler», a-t-il dit, précisant que cela est dû aux analyses en cours pour déterminer, entre autres, le montant des fonds qui devront être mis sur la table, dans le cadre de la mise en œuvre de ce projet. «Une condition préalable à la conclusion d’un accord avec de potentiels investisseurs», a-t-il affirmé.
Lancement en 2023 ?
Le ministre nigérian du Pétrole, toujours cité par Reuters, a affirmé que le gouvernement du Président Muhammadu Buhari espérait, au moins, lancer ce mégaprojet avant de quitter ses fonctions en mai 2023. La section déjà opérationnelle du gazoduc, le GOA, a nécessité plus de 28 ans de travaux avant d’être finalement achevée en 2010.