Les Guinéens tiennent enfin la date du procès longtemps attendu du massacre de 2009 au stade de Conakry: il débutera le 28 septembre, treize ans jour pour jour après cet événement qui a marqué l’histoire récente du pays avec plus de 150 meurtres et 100 viols selon l’ONU.
Ce procès va « revisiter notre histoire » et faire en sorte que « nous (en) sortions tous avec une nouvelle vision de la Guinée, où l’impunité n’aura plus désormais sa place », a déclaré à la presse le ministre de la Justice Alphonse Charles Wright, au sortir d’une réunion du comité de pilotage du procès.
Il pourrait permettre au pays d’avancer vers le « processus de réconciliation qu’on a tant demandé », a-t-il souligné.
Ce 28 septembre 2009, un regroupement d’ONG et de partis d’opposition organise un rassemblement dans le principal stade de Conakry. Des milliers de personnes protestent contre une possible candidature du chef de la junte militaire d’alors, Moussa Dadis Camara, à la présidentielle prévue en janvier 2010.
Le capitaine Camara, alors inconnu, avait pris le pouvoir en décembre 2008 à la faveur d’un putsch et s’était autoproclamé président.
Le pouvoir envoie l’armée qui se livre à une sanglante répression dans et autour de l’enceinte. Au moins 157 personnes sont assassinées et 109 femmes violées, selon une commission internationale d’enquête de l’ONU.
Les témoignages des victimes sont terrifiants. L’émotion, nationale et internationale, est considérable et précipite la chute du régime militaire. La commission d’enquête de l’ONU conclut que « le massacre du 28 septembre » était un « acte prémédité » par la junte.
Longue attente
L’instruction judiciaire s’est achevée en décembre 2017, avec le renvoi d’une douzaine de prévenus devant un tribunal, dont Moussa Dadis Camara.
Mais les victimes et leurs proches attendaient depuis lors ce procès, qui tardait malgré les engagements récurrents des autorités sous le régime de l’ex-président Alpha Condé (2010-2021), renversé par un coup d’Etat militaire il y a un an.
Les défenseurs des droits ont également poussé en ce sens, au nom du combat contre l’impunité répandue selon eux dans ce pays à l’histoire politique troublée, ainsi que la Cour pénale internationale (CPI), qui a envoyé une délégation début septembre pour évaluer l’état des préparatifs.
Depuis l’ouverture de l’instruction, « beaucoup de victimes sont décédées, certaines sont malades et vivent dans la précarité la plus absolue », ont rappelé jeudi dans un communiqué les Coalitions de l’Afrique francophone pour la Cour Pénale Internationale (CAF CPI).
« A ce triste constat, il faut ajouter la situation des femmes répudiées par leur mari et celles atteintes du VIH SIDA, suite aux viols dont elles ont été victimes, sans oublier les enfants orphelins déscolarisés, qui sont devenus de nos jours majeurs », ont ajouté ces organisations qui réclament un procès « juste, équitable, impartial et inclusif ».
« J’avoue que nous sommes très satisfaits et on espère que cette date sera tenue, et que le procès va enfin s’ouvrir sous nos yeux, en présence du reste des victimes. Parce que figurez-vous que beaucoup ne sont plus des nôtres », a réagi Asmaou Diallo, présidente de l’association des victimes, parents et amis du 28 septembre 2009.
« Aujourd’hui, je ne peux pas dire que je me sens bien, mais je peux dire que je me sens mieux, car je dois attendre l’ouverture effective de ce procès, voir les accusés dans le box et ensuite dire un mot », a poursuivi cette femme qui a perdu son fils au stade, des sanglots dans la voix.
Date anniversaire
Le colonel Doumbouya, à la tête de la junte désormais au pouvoir, avait demandé mi-juillet l’ouverture du procès avant la date anniversaire du massacre.
Le garde des Sceaux avait préalablement évoqué la date du 26 septembre, tout en disant qu’elle n’était pas confirmée.
La date a finalement été repoussée au 28 septembre, « à la demande du procureur de la CPI, qui a sollicité sa présence ici le 28 pour assister à l’ouverture de ce procès », a précisé M. Wright.
Un peu plus de deux mois après le massacre du stade de Conakry, début décembre 2009, Moussa Dadis Camara avait été victime d’une tentative d’assassinat, et était parti se faire soigner au Maroc. Il avait ensuite renoncé au pouvoir en janvier 2010, pour aller vivre au Burkina Faso. Quelques mois plus tard, Alpha Condé devenait le premier président démocratiquement élu depuis l’indépendance.
Moussa Dadis Camara était rentré en Guinée en décembre 2021 après y avoir été autorisé par la junte. Il s’était alors dit « prêt à (se) mettre à la disposition de la justice ». Mais il est depuis retourné au Burkina Faso.