Entre 2010 et 2023, les institutions de financement du développement (DFI) non souveraines ont investi massivement en Afrique subsaharienne, avec 71,8 milliards de dollars engagés par neuf grandes DFI pris en compte dans l’étude intitulée «How development finance institutions are fostering growth in frontier markets in Africa». Cependant, cette manne financière n’a pas été répartie uniformément sur le continent, certains pays s’étant révélés nettement plus attractifs que d’autres.
Soulignons que le rapport a été rédigé par Africa Resilience Investment Accelerator (ARIA), une initiative dirigée par British International Investment (BII) et Dutch Entrepreneurial Development Bank (FMO), la banque de développement entrepreneuriale néerlandaise. Dans le détail, ce sont plus de 2.700 investissements réalisés par 9 DFI non souveraines depuis 2010 en Afrique subsaharienne qui ont été analysés. Une enquête menée auprès de 21 professionnels de l’investissement provenant de 11 DFI différentes, sans toutefois les nommer.
Il faut dire que ce classement reflète en grande partie le poids économique et démographique des pays de ce Top 10. L’Afrique du Sud arrive en tête avec 8,672 milliards de dollars, suivie du Nigéria (6,896 milliards) et du Kenya (6,767 milliards). Le Ghana (3,328 milliards), la Côte d’Ivoire (2,953 milliards), le Mozambique (2,811 milliards), l’Éthiopie (1,678 milliards), la Tanzanie (1,622 milliards), le Sénégal (1,561 milliards) et l’Ouganda (1,345 milliards) complètent cette liste, cumulant à eux seuls près de 80% des investissements.
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Ce constat souligne la forte corrélation (0,84) entre le PIB d’un pays et les volumes d’investissements des DFI. L’Afrique du Sud, le Nigéria et le Kenya, qui figurent parmi les pays les plus importants en termes de PIB en Afrique subsaharienne, ont ainsi raflé près de la moitié des investissements ciblés. Une tendance similaire s’observe avec la population, autre facteur clé d’attractivité.
Cependant, au-delà de ces considérations économiques et démographiques, d’autres facteurs entrent en jeu. L’environnement réglementaire, la stabilité politique et la protection des droits humains influencent grandement l’appétence des DFI pour un pays. Ainsi, malgré son poids économique important, l’Angola n’a drainé que 56 millions de dollars, certainement en raison de sa gouvernance.
A contrario, des pays plus modestes comme le Mozambique, la Sierra Leone ou la Guinée ont su attirer des financements supérieurs à leur poids économique, vraisemblablement grâce à des réformes favorables au climat des affaires.
Les secteurs financiers et des infrastructures concentrent les deux tiers des investissements des DFI en Afrique, une part montant à 73% dans les pays les plus riches. Néanmoins, dans les économies moins développées, l’agriculture représente jusqu’à 20% des financements, signe de la diversité des besoins sur le continent.
Pour séduire davantage d’investissements indispensables à leur développement, de nombreux pays africains devront donc poursuivre leurs efforts de bonne gouvernance, tout en multipliant les opportunités d’affaires viables dans des secteurs clés. Un défi de taille, mais un passage obligé pour libérer pleinement le potentiel entrepreneurial et économique de l’Afrique.
Institutions financières et infrastructures énergétiques en priorité
Sur la période 2010-2023, les 71,8 milliards de dollars investis en Afrique subsaharienne par 9 grandes IFD ont principalement ciblé les institutions financières (27 milliards) et les projets d’infrastructures énergétiques et autres (19 milliards). Ces deux secteurs représentent les deux tiers des investissements et ont capté jusqu’à 73% dans les pays les plus riches.
Cette prédominance reflète la volonté des IFD de renforcer les systèmes financiers locaux et de développer les infrastructures essentielles pour soutenir la croissance économique. Les investissements dans les banques, les institutions de microfinance et les projets énergétiques constituent des leviers cruciaux pour stimuler l’activité du secteur privé.
Top 10 des engagements cumulés des IFD non souveraines en Afrique, par pays, de 2010 à 2023 (en milliards de dollars)
Pays | Engagements cumulés |
---|---|
Afrique du Sud | 8,672 |
Nigeria | 6,896 |
Kenya | 6,767 |
Ghana | 3,328 |
Côte d’Ivoire | 2,953 |
Mozambique | 2,811 |
Éthiopie | 1,678 |
Tanzanie | 1,622 |
Sénégal | 1,561 |
Ouganda | 1,345 |
Si les institutions financières et les infrastructures dominent dans la plupart des pays, l’agriculture prend une place importante dans les investissements des IFD dans les 25 pays les plus pauvres du continent. Ce secteur représente 20% des engagements totaux dans ce groupe de pays, contre seulement 4% dans les trois principales économies (Afrique du Sud, Nigéria, Kenya).
Cette tendance souligne l’importance cruciale de l’agriculture pour la sécurité alimentaire et le développement économique dans les pays les plus vulnérables. Les IFD visent à stimuler la productivité agricole, renforcer les chaînes d’approvisionnement alimentaire et soutenir les petits exploitants dans ces régions fragiles.
Opportunités dans l’industrie et les services
Bien que marginaux dans les pays les plus pauvres, les investissements industriels et dans les services représentent des opportunités de croissance substantielles. Dans les principales économies, ces secteurs attirent respectivement 12% et 11% des engagements des IFD.
À mesure que les économies se développent, la demande pour des produits manufacturés et des services augmente, offrant des perspectives prometteuses pour diversifier les portefeuilles d’investissement.
Quid des pays les plus fragiles ?
Malgré les progrès réalisés, des défis persistent pour attirer davantage d’investissements des IFD vers les pays les plus fragiles. Selon le rapport, 95% des professionnels interrogés sont intéressés à accroître leurs activités dans ces marchés, mais soulignent les obstacles liés aux environnements politiques et réglementaires instables.
Pour relever ces défis, les IFD devront adopter des approches plus ciblées, proposer des financements de moindre envergure et en monnaie locale, tout en renforçant la collaboration entre elles. Une combinaison de réformes politiques, de partenariats solides et d’innovations financières sera essentielle pour libérer le potentiel d’investissement dans ces économies.
Par Modeste Kouamé