Les égyptiens ont voté dimanche lors d’un scrutin présidentiel éclipsé par la guerre dans la bande de Gaza voisine.
Le président sortant, Abdel Fattah al-Sissi, qui semble assuré de remporter un troisième mandat, s’est rendu aux urnes tout comme les trois autres candidats en lice, peu connus du grand public, il s’agit de Farid Zahran, à la tête du Parti égyptien démocratique et social, Abdel-Sanad Yamama, du Wafd, et Hazem Omar, du Parti populaire républicain.
Le pays de 106 millions d’habitants compte 67 millions d’électeurs qui auront jusqu’à mardi pour se rendre aux urnes, les résultats officiels seront publiés le 18 décembre.
Des dizaines d’électeurs de tous âges se pressaient dimanche devant des écoles du centre du Caire, au milieu d’un important dispositif de sécurité et sous des affiches proclamant « Sortez et participez » au son de chants nationalistes.
A 14h30 GMT, « 5 millions » d’Egyptiens avaient déjà voté, d’après la commission électorale.
« Je ne connais que le président Sissi, les autres candidats, je ne les connais pas », affirme ainsi à l’AFP Asmaa Rafaat, quadragénaire qui vote au Caire.
Malgré les difficultés de l’Egypte, aucune opposition sérieuse ne semble pouvoir exister sous le règne de M. Sissi, cinquième président issu des rangs de l’armée depuis 1952 (Bien 1952), qui dirige le pays d’une main de fer.
– « Atmosphère étouffante » –
Loin de passionner les foules, la campagne présidentielle s’est déroulée en novembre dans l’ombre de la guerre entre Israël et le Hamas palestinien, qui accapare l’attention des médias et de l’opinion publique.
Les talk-shows, proches des services de renseignement et fervents partisans du président Sissi, tentent désormais de lier les deux.
« Il y a deux millions (de Gazaouis) qui veulent rentrer chez nous (…), on ne peut pas rester assis à regarder, on va sortir et dire +non au transfert+ » des Palestiniens, plaide ainsi le présentateur Ahmad Moussa, reprenant mot pour mot un discours de M. Sissi au début de la guerre.
« Il nous faut quelqu’un capable de gérer ce qui se passe à la frontière avec Gaza », abonde une électrice quinquagénaire qui refuse de donner son nom, pour qui la question prime sur « la vie chère ».
Fethi Ali, 79 ans, vote dans le centre du Caire et ne veut qu’une chose: « que le prochain président mette en place une couverture maladie pour tous », l’un des grands projets de la présidence Sissi, qui peine à décoller.
Le journaliste et militant Khaled Dawood dénonce « une atmosphère étouffante de suppression des libertés, un contrôle total des médias, et des services de sécurité qui empêchent l’opposition d’agir dans la rue ».
« Nous ne nous faisons aucune illusion: le scrutin ne sera (…) ni crédible ni équitable », écrit-il sur Facebook. Mais il votera pour M. Zahran, afin d' »envoyer un message clair au régime »: « nous voulons un changement », car « après dix ans, les conditions de vie des Egyptiens se sont détériorées et nous risquons la faillite à cause de (sa) politique ».
– Douloureuses réformes –
Aux présidentielles de 2014 et 2018, l’ex-maréchal Sissi, arrivé au pouvoir en 2013 en renversant l’islamiste Mohamed Morsi, l’avait emporté avec plus de 96% des suffrages.
Il a depuis allongé la durée du mandat présidentiel de quatre à six ans et fait modifier la Constitution pour repousser la limite de deux à trois mandats présidentiels consécutifs.
A la dernière présidentielle, la participation avait atteint 41,5%, soit six points de moins qu’au scrutin précédent.
Mais nombre d’Egyptiens estiment que M. Sissi est l’artisan du retour au calme après le chaos ayant suivi la « révolution » de 2011 et la chute de Hosni Moubarak après 30 ans de règne.
Dès le début de son premier mandat en 2014, M. Sissi avait promis de ramener la stabilité, y compris économique.
Un ambitieux mais douloureux programme de réformes, avec dévaluations et diminution des subventions d’Etat, a été entrepris depuis 2016.
Des mesures qui ont entraîné une flambée des prix, nourri le mécontentement de la population et vu la base populaire et même les soutiens étrangers de M. Sissi s’étioler au fil des années.
La dette a été multipliée par trois, et les méga-projets souvent attribués à l’armée n’ont pas produit jusqu’ici les rendements promis.
Mais, note le chercheur Yezid Sayigh, « M. Sissi ne peut pas imposer de changement à l’armée, car cela pourrait lui coûter sa présidence ».
« Il faut que le prochain président améliore nos conditions de vie et fasse baisser les prix », réclame malgré tout Asmaa Rafaat, l’électrice du Caire.