Il planera comme une drôle d’atmosphère sur la capitale des États-Unis de mardi à jeudi, lorsque Joe Biden accueillera ses 31 homologues de l’Otan tant les débats autour de sa capacité à affronter Donald Trump à la présidentielle de novembre inquiètent bien au-delà de son pays.
Le président français Emmanuel Macron ne sera pas en reste, après le séisme politique provoqué par l’ascension inédite de l’extrême droite aux législatives.
Sans parler du trouble-fête Viktor Orban, le Premier ministre hongrois qui assure la présidence de l’Union européenne, après son déplacement controversé vendredi à Moscou où il s’est entretenu avec le président russe Vladimir Poutine.
Une série d’événements qui risque d’animer les discussions entre les dirigeants lors des sessions de travail, d’un diner solennel et des apartés en marge du sommet.
«Il y a beaucoup d’échanges, de doutes, liés à nos situations intérieures respectives», avait confié la semaine dernière un responsable européen. L’objectif du sommet «sera de dissiper ces perceptions», avait-il avancé sous couvert d’anonymat.
Les dirigeants de l’Otan, fondée en 1949 du temps de l’Union soviétique et qui s’est élargie à la Finlande et la Suède après l’invasion russe de l’Ukraine, auront à cœur d’afficher leur unité.
Quel message adresser à l’Ukraine en particulier? Ce sera la grande question de ce sommet où le président Volodymyr Zelensky est aussi attendu.
Débats sur l’adhésion de l’Ukraine
Depuis le sommet de Vilnius l’année dernière, où Volodymyr Zelensky avait singulièrement agacé les Américains, les dirigeants de l’Otan font miroiter une adhésion à terme de Kiev.
Mais ils ne sont pas prêts à lui envoyer une invitation en bonne et due forme tant que la guerre avec la Russie se poursuit.
«Les chances pour nous d’obtenir une invitation à joindre l’Otan sont proches de zéro», Washington et Berlin y étant opposés, déplorait récemment une source diplomatique ukrainienne.
Les États-Unis parlent plutôt d’un soutien permettant de jeter «un pont vers l’adhésion», sur la base d’un programme robuste d’aide et d’accords bilatéraux de défense, tandis que nombre de pays européens plaident pour inscrire le caractère «irréversible» de cette adhésion dans le communiqué final.
«Cela continue d’être discuté», reconnait-on de sources diplomatiques.
L’idée est que «lorsque les 32 alliés s’accorderont sur l’adhésion de l’Ukraine à l’Alliance, ce pays soit prêt, véritablement prêt, dès le premier jour, à se brancher sur le reste de l’Alliance», a assuré un haut responsable américain.
Parmi les décisions attendues, la prise en charge par l’Otan de la coordination de l’aide militaire occidentale à l’Ukraine, jusqu’à présent assurée par les États-Unis.
Ce serait une première, car les alliés se sont montrés réticents à tout ce qui pourrait provoquer une escalade avec la Russie.
L’Otan devrait aussi officialiser un soutien militaire à l’Ukraine de 40 milliards d’euros par an et fournir de nouveaux moyens de défense aérienne, selon des diplomates.
L’Asie en ligne de mire
L’idée avancée par le secrétaire général sortant Jens Stoltenberg, qui cèdera sa place au Néerlandais Mark Rutte en octobre, c’est d’«institutionnaliser» le soutien de l’Otan.
Histoire aussi de se protéger des aléas politiques des deux côtés de l’Atlantique, alors que les alliés européens s’inquiètent d’une victoire de Donald Trump et son «imprévisibilité».
Les Européens ont dans le même temps répondu aux appels à augmenter leurs dépenses militaires, ce que l’Otan mettra en exergue cette semaine.
L’autre grand sujet sera la main tendue à des pays partenaires dans l’Asie-Pacifique, les dirigeants japonais, coréen, australien et néo-zélandais étant invités à participer au sommet jeudi, aux côtés de l’UE.
L’Otan est géographiquement limitée à la zone euro-atlantique. Mais les États-Unis ont appelé à plusieurs reprises l’Alliance à répondre à la montée en puissance de la Chine.
Des pays comme la France estiment que l’Otan n’a rien à faire dans la zone, mais plaident une coopération accrue en s’engageant davantage par exemple dans le cyber, le spatial et les technologies.
Le sommet devrait déboucher sur une ferme condamnation du soutien de Pékin à la Russie, qui, selon les pays occidentaux, permet à Moscou de maintenir à flot son effort de guerre.
L’Organisation du traité de l’Atlantique Nord a fêté cette année ses trois quarts de siècle d’existence. L’Alliance en cinq chiffres:
32 membres, parfois turbulents
L’Otan a été fondée le 4 avril 1949 par 12 États d’Europe et d’Amérique du Nord, pour contrer la menace soviétique. Ils sont aujourd’hui vingt de plus et loin de marcher au pas tous ensemble.
La France s’est retirée de la structure militaire de l’Otan en 1966 avant de la réintégrer en 2009. Une fracture qui persiste encore à Bruxelles. Aucun Français n’a jamais été secrétaire général de l’Otan.
La Turquie est souvent considérée comme le trublion d’une Alliance dont elle est devenue membre en 1952, en même temps que la Grèce.
Ces deux pays longtemps ennemis ont donné quelques sueurs froides à leurs alliés, particulièrement lors de leur différend à Chypre dans les années 1960 et 1970.
La Turquie peut aussi provoquer l’impatience de ses alliés comme elle l’a fait récemment en bloquant pendant deux ans l’adhésion de la Suède. Celle-ci a finalement rejoint l’Otan en mars, après la Finlande l’année précédente — une des conséquences de l’invasion russe de l’Ukraine en 2022.
Cinq, l’article pilier de l’Alliance
L’article 5 du traité de l’Atlantique Nord est le fondement de l’Alliance. Il oblige chacun de ses membres à intervenir en cas d’attaque contre l’un d’entre eux.
Il n’a été utilisé qu’une seule fois dans toute l’histoire de l’Otan, au lendemain des attentats du 11 septembre 2001 contre les États-Unis.
Alors, le déclenchement de cet article considéré comme le pilier de l’Otan a surtout été décidé pour montrer la solidarité des Alliés à l’égard des États-Unis, sans réelle conséquence militaire immédiate.
Il conduira néanmoins l’Alliance à intervenir en Afghanistan où elle mobilisera jusqu’à 100.000 troupes sur le terrain avant un retrait en catastrophe en août 2021.
Trois sièges, le dernier à Bruxelles
L’Otan s’est d’abord installée à Londres avant très vite, dès 1949, de traverser la Manche pour prendre ses quartiers à Paris. Mais le retrait français 17 ans plus tard oblige ses fonctionnaires à déménager à nouveau, cette fois pour Bruxelles.
Nombre d’entre eux ne l’ont jamais pardonné à la France, selon un diplomate de l’Alliance, sous couvert d’anonymat.
Dans la capitale belge, l’Otan occupe depuis 2017 un siège flambant neuf formé de quatre bâtiments, censés représenter des doigts entrecroisés, symbole d’unité.
Plus de 4.000 personnes y travaillent et les visiteurs se font souvent photographier devant une sculpture représentant l’emblème de l’Otan, choisie en 1953: «une étoile à quatre branches représentant la boussole qui nous maintient sur la bonne voie, le chemin de la paix», selon l’expression, de Lord Ismay, secrétaire général de l’Alliance à sa création.
C’est aujourd’hui le motif principal sur le drapeau de l’Otan.
Zéro armée, mais beaucoup d’armes
L’Otan ne dispose d’aucune armée en propre, à l’exception d’une flotte d’avions de reconnaissance AWACS et de quelques drones. Elle s’appuie sur les forces armées de ses pays membres, sauf pour l’Islande qui n’en a aucune.
Mais l’Alliance a pu compter pendant plusieurs années sur une armée secrète, les «stay behind» (ceux qui restent derrière): des réseaux clandestins coordonnés par l’Otan au début de la guerre froide. Ces réseaux étaient censés être activés en cas d’attaque soviétique.
L’Otan organise régulièrement des exercices militaires qui mobilisent des quantités d’armes souvent très différentes. Elle a donc créé… un jeu de cartes pour aider ses militaires à s’y retrouver.
Les 54 cartes représentent autant de systèmes d’armes utilisés par l’Alliance. Le jeu est censé aussi « aider les troupes ukrainiennes à identifier » certaines des armes qu’elles reçoivent, selon l’Otan.
Avec AFP