Le dossier de la délimitation de la Zone économique exclusive de l’Algérie en méditerranée, actée unilatéralement par Alger, n’a pas connu d’avancées depuis 2020. L’Espagne et l’Italie sont les principaux Etats concernés par ce nouveau tracé mais leur dépendance énergétique vis à vis de l’Algérie complique la situation.
En mars 2018, l’ancien président algérien, Abdelaziz Bouteflika, déclarait à travers un décret présidentiel que l’Algérie étendait sa zone économique exclusive (ZEE) à quelques kilomètres de la mer de Sardaigne près des côtes italiennes mais a également étendu sa juridiction économique à un morceau de mer de l’île de Cabrera au sud de Majorque.
Cette modification est passée inaperçue jusqu’en 2020 quand les deux pays concernés, l’Italie et l’Espagne ont montré un intérêt pour ces zones maritimes qui risquent de voir des explorations minières et pétrolières de l’Algérie proches de leurs côtes ou encore voir le pays interdire aux pêcheurs l’entrée dans sa nouvelle ZEE.
Et entre l’Espagne et l’Italie, c’est le second qui a été le plus actif pour mettre au clair cette situation après un fort plaidoyer de l’ancien président de la région Sardaigne en Italie, Mauro Pili, qui a accusé l’Algérie d’avoir élargi les frontières de sa zone économique exclusive (ZEE), jusqu’en Sardaigne et de s’être emparée d’une zone maritime faisant partie des eaux internationales.
« Cette fois c’est l’Algérie qui attaque les frontières internationales en mer. D’ailleurs le décret du président de la République du 21 mars 2018, a mis noir sur blanc les nouvelles frontières de sa zone économique maritime exclusive », avait-il déclaré en 2020.
L’ancien président sarde avait aussi critiqué l’absence de discussions entre Alger et Rome à ce sujet pendant les sommets bilatéraux ou les rencontres lors des sommets internationaux. Face à son acharnement pour réveiller les autorités de son pays, l’Italie a finalement présenté une protestation officielle aux Nations Unies, 2 ans après le décret présidentiel algérien.
Les deux pays auraient commencé des négociations pour ratifier un accord commun et une commission technique mixte a été constituée pour discuter de la délimitation des eaux territoriales, selon des sources italiennes, sauf que le dossier n’a enregistré aucune avancée.
Pour le politicien italien, le silence de Rome à ce sujet s’explique par le groupe énergétique Eni qu’il accuse d’être « le vrai gouvernement en Italie » et de « brader le littoral sarde pour ses intérêts économiques avec l’Algérie ».
En mai 2022, les groupes italien Eni et algérien Sonatrach ont renforcé leur partenariat avec la signature d’un nouvel accord pour le développement de champs gaziers en Algérie et des projets de « décarbonation dans l’hydrogène vert », qui aura pour objectif de réduire la dépendance de l’Italie à l’énergie russe suite à la guerre en Ukraine.
Les deux pays ont développé leurs liens énergétiques ces derniers mois également à la faveur d’une crise diplomatique entre l’Algérie et l’Espagne. A mi-juillet, Rome et Alger ont annoncé un nouveau rapprochement énergétique avec un projet de réalisation d’un câble sous-marin de 250 km pour acheminer l’électricité des côtes d’Annaba vers l’Italie.
Avec l’Espagne, la situation reste compliquée puisque Madrid a tenté de s’affranchir de sa dépendance au gaz algérien ces derniers mois pour éviter les pressions diplomatiques et le chantage exercé par les autorités algériennes sur le dossier du Sahara.
L’Algérie a déclaré une crise diplomatique qui ne dit pas son nom officiellement contre l’Espagne suite à sa position en faveur du plan d’autonomie proposé par le Maroc pour mettre fin à ce différend régional.
Mais peu avant, notamment en mars 2020, lors de la visite de l’ancienne cheffe de la diplomatie espagnole Arancha Gonzales Laya, en Algérie et sa rencontre avec Sabri Boukadoum et le président algérien Abdelmadjid Tebboune, le ton était conciliant sur l’affaire des frontières maritimes.
Alors que l’Algérie a décidé unilatéralement en avril 2018 d’étendre ses frontières jusqu’à proximité de l’archipel espagnol des Baléares, l’ex-ministre qui été l’instigatrice de l’affaire Brahim Ghali (sa venue illégale et sous une fausse identité en Espagne alors qu’il est recherché pour crimes contre l’humanité, ndlr), a affirmé être « d’accord à 100% » avec l’Algérie.
« Je voudrai être très claire au sujet des frontières maritimes sur lesquelles l’Algérie et l’Espagne sont d’accord à 100%. Nous n’avons pas de problème à fixer les frontières maritimes« , a affirmé Arancha Gonzalez Laya lors d’une conférence de presse conjointe avec son homologue algérien.
« Les deux pays ont le droit de fixer leurs frontières maritimes, selon les règles des Nations unies. (…) Quand il y a un chevauchement des zones maritimes, il faut une négociation pour arriver à un accord », a-t-elle ajouté.
L’ancien ministre algérien des Affaires Etrangères, Sabri Boukadoum avait répondu: « Nous n’avons pas de problème de délimitation des frontières maritimes entre l’Espagne et l’Algérie », tout en disant avoir la « volonté de négocier dans le futur pour tout chevauchement des espaces maritimes ».
Mais le dossier est resté clos depuis cette visite et aucun des deux pays n’a créé de commission mixte pour discuter de la délimitation des frontières.