Le Sénégal a montré au monde entier sa maturité démocratique avec l’organisation dans un délai aussi court l’élection la plus ouverte et transparente avec l’accession à la magistrature suprême de Bassirou Diomaye Faye.
“Toute nation a le gouvernement qu’elle mérite”, disait un vieil axiome du XIXe siècle. Et les Sénégalais méritent le gouvernement actuel incarné par le duo Bassirou Diomaye Faye-Ousmane Sonko.
Certains des dirigeants qui s’imposent à leurs peuples, en Afrique, ne mériteraient même pas un fauteuil de sous-ministre dans d’autres pays. C’est dire que tous les chefs d’État ne se valent pas sur ce continent.
Et si le Sénégal charme tant, c’est aussi parce que bien des peuples peinent encore à se soustraire du joug de dirigeants qui les avilissent. Voilà pourquoi se comparer au Sénégal peut être un leurre. Le fait démocratique, dans ce pays, se résume encore trop souvent à la transparence du scrutin présidentiel et au respect par tous du choix des électeurs. La vitalité démocratique devrait s’apprécier tout au long d’une magistrature, et pas uniquement à la façon, heureuse, dont le Sénégal se sort des psychodrames, en fin de mandat.
Le pays de la Teranga est cité comme un exemple de démocratie apaisée en Afrique de l’Ouest. Contrairement à ses voisins, le Sénégal n’a jamais connu de coup d’Etat militaire depuis le 4 avril 1960, date de son indépendance. Une exception dans la sous-région et dans l’espace francophone.
Cette exception s’explique par le fait que le Sénégal dispose d’une armée républicaine et d’une classe politique extrêmement mure, politisée et consciente de l’importance du pouvoir civil.
Bien que les élections au Sénégal aient toujours été jalonnées de crises mettant en cause l’image de pays modèle en matière de santé démocratique. Par exemple en 1988, la capitale Dakar était plongée dans le chaos par des violences urbaines remettant en cause le résultat des élections. La crise de 1993 a, elle, conduit à l’assassinat politique d’un vice-président du Conseil constitutionnel. Enfin, la crise de 2010-2011 sur la réforme constitutionnelle, puis la tentative de réélection du président Abdoulaye Wade, sont encore dans toutes les mémoires.
A propos de la présidentielle de ce 24 mars, les analystes ont prédit : inquiétude, violence, manipulation, corruption, dérive dictatoriale, fraude annoncée, bref tout a été dit, écrit et prédit, surtout le pire. Mais en réalité, toutes ces crises politiques occasionnelles soulignent la volonté de sortir d’un système politique qui ne contribue pas à l’épanouissement des Sénégalais.
Pour ce scrutin considéré comme le plus court dans l’histoire contemporaine du pays en raison du délai mais très ouvert, les Sénégalais ont surpris le tout monde entier en donnant une très belle leçon de démocratie.
Le Conseil constitutionnel, l’institution chargée de veiller à la constitutionnalité a refusé que Macky Sall diffère l’échéance présidentielle, contrairement à une fâcheuse manie répandue sur ce jeune continent, et constater que le chef de l’État, lorsque son projet a été retoqué par la Cour constitutionnelle, n’a pas, comme nombre de ses pairs, ignoré cette décision, tout cela fait du bien ! Le fait aussi que le Conseil constitutionnel a poussé M. Sall à aller à l’élection présidentielle prouve à suffisance qu’au Sénégal, on a des institutions fortes et démocratiques qui ne sont pas inféodées à une personne ou à un clan.
En 64 ans d’indépendance, ce mardi on a assisté à une troisième flamboyante et alternance démocratique riche d’enseignements pour toute la sous-région. Avec la victoire, dès le 24 mars, de Bassirou Diomaye Faye, la passation de charge à la tête de l’État sénégalais devient possible, au terme, ce 2 avril, du mandat du président Macky Sall. Traditionnellement, le Sénégal connaît pourtant une culture de succession de présidents démocratiquement élus, contrairement à de nombreux pays voisins comme le Mali : Léopold Sédar Senghor (1960-1980) ; Abdou Diouf (1981-2000) ; Abdoulaye Wade (2000-2012) ; Macky Sall (2012-2024) et Bassirou Diomaye Faye (depuis avril 2024).
Le tout nouveau chef de l’Etat de 44 ans antisystème est attendu de pied ferme sur de nombreux chantiers comme : réduction du train de vie de l’État, titres de noblesse et indépendance à redonner au Sénégal ; renégociation des contrats d’exploitation des ressources naturelles et minières ; réhabilitation des institutions de la République, restauration de l’État de droit, réduction de la fracture sociale, comblement des inégalités, promotion de l’égalité des chances…
Ousmane Mahamane