Depuis que « l’épidémie » de coups d’Etat, maladie chronique qu’on croyait éradiquée en Afrique de l’Ouest a refait son apparition, les galonnés sont au devant de la scène. Souvent pour le pire. Mais, force est de constater que le capitaine Ibrahim Traoré, qui vient de s’emparer du pouvoir à Ouagadougou, sort du lot et n’est pas un idiot. L’entretien qu’il a accordé à Christophe Boisbouvier de Rfi est un cas d’école. Précis, concis, celui qui était il y’a 48 h encore un obscur officier subalterne de l’armée burkinabè évité toutes les questions-pièges de Boisbouvier, journaliste chevronné s’il en est, qui a en vu d’autres. Le militaire putschiste a même semblé parfois le balader, en lui retournant ses propres questions et en parasitant ses relances. Avec ce énième coup de force qui secoue le « pays des hommes intègres », « IT », comme le surnomment ses hommes, s’est révélé être un redoutable tacticien et un as de la communication de crise. Alors que les rapports de force sur le terrain ne lui étaient pas totalement favorables, le capitaine Traoré a remporté son bras de fer avec le lieutenant-colonel Damiba par un art consommé du bluff et de l’esbroufe. Dans un premier temps, avec un message destiné à la consommation interne, il envoie un sous-lieutenant à la RTB annonçer de manière tonitruante que Damiba était protégé par les Forces spéciales françaises et que le pays de Marianne agissait de la sorte pour empêcher un partenariat avec la Russie. Résultat des courses, aussitôt la rue ouagalaise s’enflamme, au propre comme au figuré, et les départs de feu contre les institutions françaises font craindre le pire. Le ban et l’arrière-ban du Quai d’Orsay sont mis sous pression avec les démentis qui se succèdent.Grâce à ce coup de poker, les médiateurs burkinabè font entendre raison à Damiba, le contraignent à la démission et adoubent son tombeur.
Dans un second temps, comme pour assurer le service après-vente, l’impétrant accorde lui-même des entretiens aux deux chaînes françaises que sont Rfi et France 24, « démine », rassure l’ancienne puissance coloniale et par ricochet, la Cedeao, sur ses véritables intentions. A croire que le jeune officier est un lecteur assidu de «l’Art de la guerre » du grand stratège chinois Sun Tzu. Une intelligence tactique au-dessus de la moyenne qui devrait inciter les Burkinabè à ne pas sous-estimer ce jeune homme, s’ils ne veulent pas aller au-devant d’énormes surprises. Difficile de croire qu’après ce coup de maître, le capitaine Ibrahim Traoré, qui a déjà « plafonné » à 34 ans, contrairement à ses promesses, va retourner tranquillement dans sa caserne de Kaya. Ce « garçon » a du coffre et de la ressource. S’il ne « dégénère » pas et ne se perd pas en route comme beaucoup de ses devanciers dès qu’ils découvrent les délices du pouvoir, on entendra encore parler de lui.
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