L’historique de la construction de la Grande Mosquée de Dakar (Par Abdoulaye Makhtar Diop, Grand Serigne de Dakar)

Le projet de construction d’une grande Mosquée Centrale de Dakar devenue, beaucoup plus tard, Grande Mosquée de Dakar résulte de la volonté de l’Administration coloniale de mettre en œuvre un plan d’urbanisme visant à rénover les vieux bâtiments de Dakar Plateau. Ces travaux touchaient la Grande Mosquée de la Rue Blanchot dont la pose de la première pierre a été effectuée le 20 Février 1938 par le Gouverneur Général de l’AOF, Marcel de Copet en présence de Cheikh Saad Bou AÏDARA, de Chérif El Wali petit fils de Cheikh Sidi Baba Aïdara, Alpha DIOL, Grand Serigne de Dakar. Wagane Diouf, Ibrahima Diop Youssou, futur Grand Serigne de Dakar etc…

Et c’est El Hadj Amadou Lamine DIENE, déjà Imam Ratib de Dakar et dirigeant les prières à la Grande Mosquée de la rue Blanchot, actuelle rue Moussé Diop du nom de mon grand père paternel, qui entreprit les démarches nécessaires pour trouver un site provisoire en attendant la reconstruction de celle-ci.
A la survenue de la loi cadre en 1957 et des incertitudes sur l’avenir de la colonie, les plans autorisés par l’administration furent suspendus. Le Plateau ne fut pas rénové et la Mosquée de la rue Blanchot fut conservée jusqu’à son extension par feu Djily Mbaye.

Perspicace l’Imam Amadou Lamine Diène poursuivit son projet et le 09 Juin 1958 fut créé le comité pour l’édification de la Grande Mosquée de Dakar, présidé par l’Imam Ratib, El Hadji Amadou Lamine Diène assisté d’un bureau comprenant : El hadji Chams Dine Diagne, Cadi de Dakar, El Hadji Amadou Assane Ndoye, ex adjoint au Maire de Dakar et Trésorier Général de la Grande Mosquée de Blanchot, Thierno Amath Mbengue ex-adjoint au Maire de Dakar, Hyacinthe Camara, Souleymane Sidibé et El Hadji Ameth Diène, représentant les jeunes lébous de Dakar.

Le comité rencontra le Président du conseil du Gouvernement du Sénégal, Mamadou DIA qui accepta la proposition de construction de la Grande Mosquée à son emplacement actuel appelé à l’époque « Djoulikaye Ndakarou », alors que certains politiciens dakarois proposaient le site actuel de la mosquée mouride dénommé par nos aïeuls « SEUKEUBEU » qui signifie terrain remblayé de la rivière Bopp qui a donné la cité contigüe.

Ce comité, après le choix de cet ancien cimetière fermé entre fin 1911 et début 1912, présenta un plan et une maquette rejetés par la majorité des dignitaires lébou, aidés en cela par un entrepreneur lébou de renom : Babacar Diouf dit Diouf Rafeet, père de Me Nafi Diouf Mbodj, avocate au barreau de Dakar.

Ce comité fut remplacé par la suite par une Association pour l’édification de la grande Mosquée de Dakar dirigée toujours par Amadou Lamine Diène.

Le comité organisa une collecte de fonds dont les principaux pourvoyeurs furent :

• L’Etat du Sénégal pour 220 000 000 F Cfa en 4 tranches annuelles de 55 000 000 F Cfa ;
• La ville de Dakar pour 112 000 000 en 4 tranches annuelles de 28 000 000 F Cfa
• La communauté Libano-syrienne pour 39 000 000 F Cfa
• La collectivité léboue (dignitaires et familles) pour 5 000 000 F Cfa en sus de la mise à disposition de son terrain de près de 3 Ha.
• El Hadji Fadilou Mbacké, Khalif Général des mourides et El Hadji Ibrahima Niass dont les positions doctrinales et jurisprudentielles seront décisives dans la résolution de la continuité de l’imamat de El Hadji Lamine Diène (Cf infr)

Un comité d’honneur comprenant les personnalités musulmanes du Sénégal fut mis en place.

Entre temps, le Président du conseil Mamadou Dia est en conflit ouvert avec les dignitaires Lébous pour avoir voulu déguerpir la Médina – le début des hostilités l’éloigne du projet de la Grande Mosquée de Dakar ; ce qui fut une aubaine pour le Président SENGHOR qui, sur la suggestion d’un des plus brillants ministres de l’histoire du Sénégal, Abdoulaye FOFANA, en appela à la coopération du Royaume due Maroc pour couvrir le financement.

C’est le second plan élaboré par les architectes de sa majesté Hassan II qui fut adopté et réalisé.

La décoration intérieure faite dans le plus grand secret par les artisans marocains qui couvraient de toiles les murs et les poteaux pour cacher leur métier aux Sénégalais.

C’est un an avant l’inauguration, le 27 Mars 1964, que s’est posé la question de la direction de la prière inaugurale en présence de sa majesté Hassan II. Cette question glissa vers l’imamat de la nouvelle Grande Mosquée de Dakar alors que celle de la rue Blanchot servait toujours d’office les Vendredi.
Peut-on être Imam de deux grands Mosquée ou passer d’une grande Mosquée à une autre dans la même ville ?

Le jeudi 26 Décembre 1963, un an après la chute de Mamadou DIA, El Hadj Ibrahima DIOP Youssou Grand Serigne de Dakar convoqua en son domicile de Thieurigne une réunion à laquelle ont assiste.

Notamment : El Hadji Abdoul Aziz SY, Khalif Général des Tidiane, El Hadji Seydou Nourou TALL, El Hadji Ibrahima SAKHO, El Hadji Amadou Lamine DIENE, El Hadji Mbaye DIAGNE Degaye, Ndeye Dji Reuw, El Hadji Thierno Amath Mbengue, El Hadji Falla PAYE, Grand Diaraf de Dakar, El Hadji Mbaye Samba, El Hadji Arona Diop, El Hadji Cheikh NDIAYE Mabeye, El Hadji Amadou Assane NDOYE, El Hadji Talla DIAGNE, El Hadji SECK de Bargny, El Hadji Alioune Diop de Thieurigne, El hadji Mamadou NDOYE de Ngor, El hadji Ismaila GUEYE, Ndeye Diambour, El Hadji Chams Eddine Diagne, Cadi de Dakar.

A six mois de l’inauguration de la Grande Mosquée de Dakar, cette réunion s’ouvrit dans la confusion totale avec une interprétation de l’allocution d’ouverture du Grand Serigne El Hadji Ibrahima DIOP, relayé par El Hadji Thierno Seydou Nourou Tall, laissant entendre que El Hadji Abdoul Aziz SY devait être l’Imam Ratib de Dakar.

Plusieurs intervenants divergèrent sur cette éventualité avec des arguments révélateurs de penchants confrériques et ethniques très marqués en références aux coutumes et pratiques locales, rappels de la pratique cultuelle dans notre pays etc…
C’est à la suite de l’intervention tendue du Grand Diaraf, El Hadji Falla PAYE, père de Alioune Badara PAYE, que la situation s’est décantée. Par une double question, exlusive l’une de l’autre : s’agit-il de designer Eh hadji Abdoul Aziz SY pour diriger la prière inaugurale, ou le choisit-on pour être l’Imam Ratib de Dakar ?

Surtout que le khalif des Tidianes n’a rien demande et n’a jamais postulé à l’Imamat.

D’aucun précisèrent alors que le choix porté sur El hadji Abdoul Aziz SY répondait à un souci de qualité d’élocution et de prononciation de la langue arabe du Khoutba devant le Roi du Maroc Hassan II ; laissant entendre que l’Imam El Hadji Amadou Lamine DIENE, bien qu’étant un fin lettré, ne pouvait délivrer un discours d’une éloquence « digne des oreilles royales »

Cette critique lui avait été, déjà, faite par un journal Egyptien « Al Alharam » déçu du discours de la Korité de El Hadji Amadou Lamine DIENE qui avait refusé de soutenir la position de l’Egypte durant le conflit du canal de Suez.

Le Ministre Egyptien de l’information, de la presse, chargée des biens religieux avait mené une campagne féroce contre l’Imam Ratib de Dakar « citoyen Français, incapable de prononcer un sermon en arabe châtié et toujours émaillé de mots français ». Déjà à l’époque, l’actualité politique marquait le sermon d’un Imam responsable digne de son rang et de sa mission

El Hadji Thierno Amath Mbengue, en rappelant cette épisode, demanda à l’assistance de s’attacher plus au fond du Khoutba qu’à la forme d’expression. « Nous ne sommes pas des arabes et nous ne devons avoir de complexe à parler cette langue avec notre accent » conclut-il pour soutenir El Hadji Amadou Lamine Diène.

Tous les dignitaires lébous, à l’exception de trois dont je tairai les noms consignés dans le P.V de réunion, tous les représentants des milieux coutumiers et religieux de Yoff, Ouakam, Ngor, Cambérène, Pikine, Yeumbeul, Thiaroye, Mbao, Rufisque, Bargny demandèrent avec force le maintien de El Hadji Amadou Lamine Diène à son poste d’Imam Ratib de Dakar. Quatre fortes personnalités se distinguèrent à cette occasion pour porter ce choix quasi-unanime de la continuité.

El hadji Talla Diagne de Yoff, El Hadji Seck Guèye, Président du Conseil des Notables de Bargny, El Hadji Alioune Diop frère de El Hadji Ibrahima Diop, Grand Serigne de Dakar et El Hadji Mamadou Ndoye de Ngor.

La cause étant entendue, El hadji Ibou Sakho proposa la création d’un comité restreint composé de : El Hadji Amadou Lamine Diène, El hadji Assane Ndoye, Imam de Diacko, El Hadji Moussa Ndour, El Hadji Mbor Diène, El Hadji Chams Eddine Diagne, El Hadji Alioune Diop, El Hadji Falla Paye, El Hadji Ismaïla Guèye, El Hadji Idrissa Ndoye pour statuer et valider officiellement cette décision.
Il insista pour « laisser les lébous, le cas échéant, désigner un imam Ratib » ce qui n’est pas à l’ordre du jour puisque El Hadji Amadou Lamine. Diène n’est pas déchu.

Au contraire pour avoir présidé l’association pour l’édification de la grande mosquée, organisé la collecte des fonds en toute transparence, supervisé les travaux de cet édifice prestigieux, El Hadi Amadou Lamine Diène mérite la reconnaissance de la collectivité lébou et de la tariha Tidianya. Et en l’honneur de cette secte dont il est un moukhadam, il accepte volontiers que El Hadji Abdoul Aziz SY dirige la prière inaugurale.
Il faut rappeler aussi le rôle de facilitateur joué par Abdoulaye Fofana, Ministre de l’Intérieur, pour une bonne organisation des cérémonies dans la cohésion, l’entente et la solidarité de toutes les familles religieuses du Sénégal. Surtout que le Président Senghor avait été pris à partir par une frange de l’opinion (cf. tract).

Bien que la question de l’imamat fût évacuée, El Hadji Thierno Amath Mbengue tenait, coûte que coûte, à vider le débat doctrinal et jurisprudentiel. Il se rendit à Kaolack pour rencontrer El Hadji Ibrahima Niass et envisagea de rencontrer El Hadji Amadou Diène de Sokone, El Hadji Amadou Ciss de Diamal et El Hadji Bassirou Mbacké.

Le mufti de Kaolack, en séance publique de Ziarra en réponse aux questions détaillées de El Hadji Thierno Amath Mbengue sur l’imamat de Dakar dit exactement «vous, autochtones de Dakar, avez le droit de transférer les compétences de votre imamat ratib dans telle ou telle grande Mosquée de Dakar. C’est un droit que seul vous, Lébous originaires du Cap Vert, avez dans les limites, et sur toute l’étendue de la compétence de l’Imam Ratib de Dakar, El Hadji Amadou Lamine Diène qui a autorité sur l’ensemble des Mosquées de Dakar… D’après la loi et les institutions islamiques, nulle mosquée à Dakar n’a d’existence valable sans l’autorisation de l’Imam Ratib etc… » Le reste de la sentence de ce prince de l’islam est dans le procès verbal de la réunion du 27 Décembre 1963.

A l’occasion de cette ziarra, El Hadji Ibrahima Niass, photos à l’appui, a rappelé avoir dirigé la prière du Vendredi à la grande Mosquée « la DJAMAL AL AZHAR » du Caire devant le Président Gamal Abdel Nasser, sans pourtant être l’imam Ratib de cette ville.

Quand El Hadji Abdoul Aziz SY accomplira le même office le vendredi 27 Mars 1964 devant le roi Hassan II, seuls les incultes y virent et continuent d’y voir une main mise sur la chaire de Dakar. La preuve de la vanité et de l’inanité, d’une telle perception, sera faite une semaine plus tard le Vendredi 03 Avril 1964, en présence de tous les dignitaires de la collectivité lébou du Cap vert, de tous les officiels de la République, El Hadji Amadou Lamine Diène officie en toute humilité et modestie, dans le respect de ceux qui ont choisi la poursuite d’une mission débutée avec brio dans les années 30.

Ce même jour marqua le transfert définitif du siège de l’imamat de la Grande Mosquée de la rue Blanchot à la Grande Mosquée des allées Coursins, aujourd’hui Allées Papa Guèye Fall.

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