Le 28 mai 2024, le collectif de journalistes Forbidden Stories a publié une enquête explosive intitulée “Rwanda Classified”. Cette investigation, menée par 50 journalistes de 11 pays différents, met notamment en lumière la présence de militaires rwandais dans la région du Nord-Kivu en République Démocratique du Congo (RDC).
Un volet important de l’enquête concerne l’implication du Rwanda dans les conflits à l’est de la RDC. Depuis des décennies, le Nord-Kivu est ravagé par les attaques des groupes armés, notamment du M23. Forbidden Stories a recueilli des preuves indiquant que des journalistes, comme Samuel Baker et John Williams Ntwali, ont été pris pour cible pour leurs enquêtes sur le rôle des troupes rwandaises dans la région. Cette enquête a valu l’exil pour le premier et potentiellement la mort pour le second, décédé dans des circonstances suspectes.
« Rwanda classified » : l’enquête internationale confirme la présence des militaires rwandais à l’est de la RDC
L’enquête a été poursuivie avec Forbidden Stories après la mort de John Williams Ntwali, dans le cadre du projet « Rwanda Classified ». Les journalistes ont pu établir qu’une majorité des soldats sur lesquels portaient l’enquête avaient perdu la vie en République démocratique du Congo. Ces militaires avaient des grades différents : caporaux, seconds lieutenants, lieutenants, lieutenants colonels. Ils sont morts entre mai 2022 et le début de l’année 2023.
Des éléments de preuve ont été recueillis par les journalistes : des sortes de testaments retrouvés sur les corps des soldats qui mentionnent leur nom, grade et numéro de téléphone. Des témoignages filmés ont également été obtenus par des chercheurs locaux, comme celui d’un combattant de 34 ans membre du groupe armé M23, qui révèle être originaire du Rwanda où il aurait intégré l’armée à 13 ans.
Forbidden Stories indique que selon leurs sources, le nombre de militaires rwandais présents sur le territoire congolais oscillerait entre 3000 et 5000 hommes, quand les rangs du M23 compteraient entre 1000 et 3000 combattants.
Paul Kagamé, le président rwandais, nie la présence des militaires rwandais en RDC
Malgré l’accumulation de preuves et les appels internationaux, le président rwandais Paul Kagame a toujours nier toute intervention en RDC. Selon lui, la crise en RDC n’est pas le problème du Rwanda. En décembre 2022, il déclarait : « Le problème n’a pas été créé par le Rwanda et n’est pas le problème du Rwanda. C’est le problème du Congo. »
D’après le chercheur Thierry Vircoulon, selon des propos rapportés par Forbidden Stories, plusieurs raisons peuvent expliquer l’implication du Rwanda à l’est de la République démocratique du Congo. Officiellement, Kigali affirme lutter contre les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), composées d’ex-génocidaires. Cependant, Thierry Vircoulon suggère une possible volonté du Rwanda de contrôler les richesses naturelles du Kivu et de redéfinir les frontières.
Vives réactions de Kigali qui dénonce « une campagne médiatique » visant « à semer le trouble
Face à ces révélations, les autorités rwandaises ont vivement réagi. Dans un communiqué, les autorités rwandaises dénoncent des accusations « déjà réfutées à plusieurs reprises » et tentent de discréditer l’enquête en affirmant qu’elle cherche à protéger le groupe rebelle des FDLR et à déstabiliser le Rwanda.
Selon le gouvernement de Kigali, l’enquête de Forbidden Stories est une « campagne médiatique politiquement motivée » visant à « semer le trouble » à l’approche des élections présidentielles et législatives du 15 juillet prochain. Le président Paul Kagame, qui est au pouvoir depuis 24 ans, brigue un quatrième mandat.