TICAD 8 : comment la Tunisie a fait rater à l’Afrique l’occasion de parler d’une seule voix


En recevant officiellement le chef de l’entité fantoche du «polisario» en dépit des indications claires du Japon et au mépris manifeste de la procédure préparatoire de la huitième Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (TICAD 8) et des règles établies, le gouvernement tunisien a porté un coup sérieux à cette manifestation qui a été détournée de sa vocation initiale et vidée de sa substance. En invitant unilatéralement le chef des miliciens, il a essuyé le désaveu et la défaveur du Japon et d’un grand nombre de pays participants. Il a fait rater à l’Afrique l’occasion de parler d’une seule voix.

Alors qu’il nourrissait l’espoir de se montrer sous son meilleur jour et de conquérir les faveurs aussi bien du Japon, pays initiateur de cette conférence, que des pays africains invités à cet événement, le gouvernement tunisien, en invitant unilatéralement le chef des miliciens du «polisario», s’est attiré les désaveux et les réactions négatives d’un grand nombre de pays qui ont fait le déplacement pour participer à ce Forum. Ainsi, et lors de la première session plénière de la TICAD 8, la délégation japonaise a explicitement exprimé son refus de cautionner les mauvaises décisions prises par la Tunisie. La déclaration faite à cet égard a été catégorique : «la présence d’une entité, que le Japon ne reconnaît pas comme un État souverain, aux réunions liées à la TICAD 8, y compris la réunion des hauts fonctionnaires et la réunion au sommet, n’affecte pas la position du Japon sur le statut de cette entité». D’ailleurs, le 19 août 2022, le Japon avait déjà exprimé formellement son rejet catégorique et sans équivoque de l’invitation adressée la veille par la Commission de l’Union africaine à l’entité séparatiste pour participer au sommet, en violation de la procédure dûment convenue, et fait savoir qu’elle ne l’engageait en rien.

De ce fait, la Tunisie a fait donc rater à l’Afrique l’occasion de parler d’une seule voix, et doit de ce fait assumer sa responsabilité face à l’Histoire et aux Africains eux-mêmes. «On peut dire que cette TICAD a été, non pas un non-événement, mais du moins la pire édition qui ait été organisée depuis la mise en branle de la première édition en 1993. Elle a créé un précédent fâcheux à cause de l’attitude irresponsable du Président tunisien», affirme Mohammed Zakaria Abouddahab, professeur de relations internationales à l’Université Mohammed V de Rabat.

Il n‘est pas étonnant que la Tunisie ait été critiquée et désavouée par nombre de pays africains. Le Président du Sénégal et Président en exercice de l’Union africaine, Macky Sall, avait regretté que la TICAD soit marquée par l’absence du Maroc, un «éminent membre de l’Union africaine». Ainsi, il a émis l’espoir de voir ce problème «trouver une solution durable dans l’avenir pour la bonne marche de notre organisation et de notre partenariat dans un cadre serein et apaisé». S’alignant sur la position sénégalaise, la République centrafricaine a regretté l’absence du Maroc des travaux du sommet. «La République centrafricaine soutient la déclaration du Président Macky Sall, Président en exercice de l’Union africaine quant à l’absence du Maroc ainsi que le non-respect des règles établies pour la participation à ce Sommet», a dit le Président centrafricain, Faustin Archange Touadera, lors des travaux de cette conférence.

De son côté, le Président de la Guinée-Bissau et Président en exercice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), Umaro Sissoco Embalo, a quitté la huitième TICAD pour protester contre la participation du «polisario» imposée par la Tunisie. Rappelant la philosophie et l’essence de la TICAD qui œuvre pour l’unification des visions, le Burundi, quant à lui, a également regretté l’absence du Royaume du Sommet Afrique-Japon. «Nous regrettons l’absence du Royaume du Maroc de la Ticad 8 suite au manque de consensus lors des négociations qui ont précédé ces assises», a dit le Président burundais, Evariste Ndayishimiye, lors d’une séance plénière sur la paix et sécurité dans le cadre de la TICAD. «Les vœux les plus ardents du Burundi sont d’éviter de telles divisions lors des prochaines sessions», a-t-il insisté.

En réaction à cette démarche hostile au Royaume, le Liberia s’est dit «surpris de la présence imposée d’une délégation (NDLR polisario) en violation des procédures de la TICAD». Exprimant le même regret quant à l’absence du Maroc, le ministre libérien des Affaires étrangères, Dee-Maxwell Saah Kemayah, a appelé à «la suspension de cette session jusqu’à résolution des problèmes relatifs aux procédures». Et de souligner l’importance de respecter les règles et les procédures relatives à l’invitation des personnes et des délégations, établies conjointement avec le Japon, appelant à se conformer aux décisions de l’Union africaine relatives au format de la participation dans des rencontres de partenariat.

Les Iles Comores ont aussi fait part de leur regret quant à l’absence du Maroc, «un pilier de l’Afrique», de la TICAD 8. «Je voudrais exprimer notre regret pour l’absence du Maroc, un pilier de l’Afrique pour des raisons de conformité des règles établies jusqu’ici pour l’organisation de ce sommet de la Ticad», a dit le Président des Iles Comores, Azali Assoumani, à l’ouverture de cette conférence. Le soutien au Maroc a été manifesté également par la Guinée équatoriale, dont le ministre des Affaires étrangères, Simeón Oypno Esono Angue, a fait part de son regret vis-à-vis l’absence du Royaume du Maroc, «un pays d’une importance particulière», de la TICAD.

En Tunisie, les acteurs politiques et de la société civile ont été surpris, irrités et embarrassés par le comportement du Président Saïed qui a mis à mal les relations historiques liant les deux pays. Réagissant à l’accueil du chef des séparatistes à Tunis, le président du parti Al Majd, Abdel Wahab Hani, a qualifié cet acte d’un «revirement dangereux» vis-à-vis des constantes de la diplomatie tunisienne. Pour lui, cet acte va sans doute «exposer les intérêts suprêmes de la Tunisie et sa crédibilité à de grandes difficultés». M. Hani s’est interrogé sur les raisons derrière l’accueil en grande pompe réservé au chef de l’entité séparatiste, alors que d’autres Chefs d’État africains frères n’ont pas été reçus par Kaïss Saïed à leur arrivée à l’aéroport de Tunis.

De son côté, Elyes Kasri, ancien diplomate tunisien, a dénoncé fermement cet acte, qui marque une rupture par la Tunisie de sa politique d’équilibre entre ses deux voisins maghrébins, le Maroc et l’Algérie. À travers cet acte, «la Tunisie rompt ainsi avec sa politique d’équilibre entre ses deux voisins maghrébins et s’aligne sur l’Algérie contre le Maroc qui n’a pas caché son mécontentement», a déploré encore cet ancien directeur général pour les Amériques et l’Asie du ministère tunisien des Affaires étrangères.

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