Les habitants de Tombouctou au nord du Mali, sont confrontés depuis plusieurs semaines à une situation que certains décrivent comme un « blocus djihadiste ».
Ils ont d’abord cru à une intimidation de plus quand les jihadistes ont annoncé le blocus, dit une figure de la société civile locale. Aujourd’hui, presque coupés du reste du monde, des habitants de Tombouctou éprouvent toute la réalité de la menace.
« On pensait que c’était juste des messages vocaux pour semer la psychose », dit Abdoul Aziz Mohamed Yehiya, « aujourd’hui, franchement, ce qu’on est en train de vivre, c’est exactement le blocus ».
Le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), alliance jihadiste affiliée à Al-Qaïda en lutte depuis des années contre l’Etat malien, a annoncé dans une série de messages début août déclarer « la guerre dans la région de Tombouctou ».
Les camions venant d’Algérie, de Mauritanie ou d’ailleurs, ne passeront plus, prévenait un commandant local du GSIM, Talha Abou Hind. Ceux qui défieraient l’interdit seraient « ciblés et incendiés ».
Témoignages recueillis par l’AFP
Des témoignages recueillis sur place et au téléphone par l’AFP racontent la vie depuis lors pour les quelques dizaines de milliers d’habitants de la « cité aux 333 saints », la « perle du désert » à l’histoire et au patrimoine séculaires, où les camions n’entrent plus, d’où l’on ne sort qu’à ses risques et périls, où des produits de première nécessité commencent à manquer et sur laquelle, de loin en loin pour l’instant, tombent des obus.
Des témoins parlent à découvert, d’autres demandent à rester anonymes pour leur sécurité assure l’Agence France-Presse.
Un habitant tout juste rentré à Tombouctou raconte que sur la route à partir de Goundam, à 80 km au sud-ouest, il était quasiment seul à moto. « Je n’ai rencontré que des jihadistes lourdement armés avec des mitrailleuses de 12,7 mm sur des motos », dit-il.
La route étant trop dangereuse, le fleuve Niger, qui coule au sud, offrait une solution pour acheminer les biens et les personnes. Ce recours a disparu le 7 septembre avec l’attaque imputée aux jihadistes qui a tué des dizaines de civils à bord du ferry le Tombouctou. La navigation est arrêtée jusqu’à nouvel ordre, dit un agent de la compagnie fluviale.
Quant aux liaisons aériennes, Sky Mali, seule à desservir Tombouctou, a annulé ses vols après une attaque à l’obus dans le périmètre de l’aéroport.
Dans la cité, le commerce périclite. « Si vous faites le tour de la ville, vous trouvez les camions qui sont stationnés et qui ne peuvent pas bouger. Aucun camion ne rentre aujourd’hui à Tombouctou », assure Oumar Baraka, qui selon l’AFP est président d’une association de jeunes.
_ »On est en crise. Il y a beaucoup de sucre comme de lait, de l’huile qui ne rentrent pas en ville », r_enchérit Baba Mohamed, commerçant. « Si ça continue comme ça, beaucoup de boutiques vont fermer », s’inquiète-t-il.
Selon l’AFP, dans cette région, les consommateurs paient déjà le prix de la pénurie et de la spéculation. « Le litre d’essence coûte 1 250 francs (1,9 EUR) alors que les gens le payaient 700 francs », constate M. Baraka.
Au regard de tout ce qui précède, il est important de préciser que les autorités maliennes n’ont jamais parlé de blocus djihadiste pour décrire la situation à Tombouctou.