Installés au Sénégal depuis plusieurs années, les wahabites ont longtemps vécu reclus, cloitrés dans un silence et une permissivité qui frôlait même l’inexistence. Prônant une idéologie arriérée, rétrograde, passéiste et rebelle de l’islam, ils reposent leur argument sur la doctrine de Mouhamed Ben Abdoul Wahab, un théologien connu pour avoir promu un islam radical, basé sur une lecture littérale et traditionnelle du coran. Le leader du mouvement wahabite, fervent disciple de ibn al Qayim et de ibn Taymiyya réfute entre autres le pouvoir d’intercession du Prophète Mouhamed (Psl). Selon lui, la place que les musulmans soufis octroient au Prophète de l’islam est démesurée pour un simple mortel.
Il est évident qu’une telle idéologie dénote carrément avec cet islam modéré et pacifique que préconisent les confréries de ce pays. L’islam confrérique a fait du Sénégal un modèle d’inclusion, de tolérance et d’amour entre les différentes confessions, confréries et ethnies.
Logiquement, la cohabitation entre ces deux visions antagonistes s’avère être difficile et pourrait être source de discorde dans ce beau pays majoritairement musulman, un pays qui a porté à sa tête, près de deux décennies, un président issu de le minorité chrétienne.
Depuis quelques années, le mouvement wahabite qui vivait en retrait a commencé à pointer le bout du nez en posant des actions concrètes tendant à renforcer son mouvement et s’affirmer de plus en plus dans l’espace religieux, un espace fortement dominé par les confréries.
La première phase a été la récupération des étudiants sénégalais partis poursuivre leurs études en Arabie Saoudite, le terreau du wahabisme. Originaires des familles religieuses du Sénégal pour la plupart, ils sont revenus au bercail, le cerveau complètement lavé, critiquant ouvertement les tariqas en les assimilant à des « sectes à la solde de satan ». Ces étudiants à la vision nouvelle vont commencer à dérouler leur agenda en mettant en place une série d’actions dont le but est de changer en profondeur l’islam au Sénégal.
Contester la pratique Tidiane dans les mosquées
Au lieu de construire de nouvelles mosquées pour y véhiculer leur idéologie, ils vont assiéger directement les mosquées estampillées « Tidiane » afin de combattre les séances de wazifa et de hadaratul Jumma qui, selon eux, ne sont qu’innovation.
Par cet acte d’intolérance et de sectarisme, la guerre des idéologies venait officiellement d’être lancée, la confrontation frontale décrétée, la récréation terminée. Il était temps, pour eux, de contrecarrer le leadership des Tidianes dans les mosquées, nier leur mainmise et arrêter leur expansion.
Faisant face, ces mosquées vont être le théâtre de confrontations ardues entre les deux communautés. N’eut été la vigilance des dirigeants de mosquée et la mobilisation des jeunes et vieux de certaines contrées très chevillés à la doctrine du soufisme, ces mosquées allaient passer sous pavillon wahabite.
D’autres vont faire l’objet d’une fermeture pure et simple sur décision préfectorale au nom d’une prétendue paix sociale. Désormais le mot d’ordre est lâché, arrêter les Tidianes ou provoquer la fermeture de leurs mosquées.
Loin de se décourager, ils vont assiéger les universités avec les mêmes méthodes. C’est ainsi qu’à l’UCAD et à l’UGB, des tensions vives les ont opposés aux Tidianes et aux Mourides. Faisant montre d’une détermination sans commune mesure, ces deux confréries vont leur faire passer un quart d’heure qu’ils ne seront pas près d’oublier. Ils vont néanmoins réussir à en gagner certaines à force de bataille et devant la léthargie des musulmans en place. Le cas le plus connu est celui de l’Université Cheikh Anta Diop, devenue par la suite leur fief, leur point de ralliement. Ils ont réussi à y chasser les confréries qui ont permis sa construction. Les Tidianes, pour éviter tout quiproquo et sur ordre du Khalife de l’époque vont les laisser occuper cette mosquée.
La petite enfance, une terre fertile à l’érection d’une nouvelle conscience religieuse
Bénéficiant des fonds de l’extérieur, ils commencent par investir sur la petite enfance en faisant sortir de terre des écoles franco-arabes un peu partout dans le pays. L’idée étant de biberonner les enfants à leur doctrine dès le bas âge afin d’en faire des disciples insubmersibles de la cause wahabite. Aujourd’hui certains de ces enfants, devenus grands sont au premier rang de la guerre lancée contre les tariqas. Des écervelés, qui à longueur de journée sur les réseaux sociaux, débitent des insanités envers nos guides religieux. Des paroles que la morale abhorre et la religion condamne.
Se démarquer pour exister : la marginalisation comme politique de positionnement
Parallèlement à ces actions qui sont mises sur pied, les wahabites vont créer leur propre commission de scrutation de la lune avec la naissance de la Coordination des musulmans du Sénégal. La rupture avec l’islam confrérique est devenue totale et assumée. Désormais plus question de partager les fêtes musulmanes avec les confréries. Ils vont y aller en cavalier seul suivant ainsi le calendrier de l’Arabie saoudite. Cette stratégie qui est loin d’être anodine vise à récupérer les musulmans récalcitrants et de culture religieuse peu développée, frustrés par l’existence de plusieurs fêtes. Eh oui, le train qui n’arrive pas à l’heure fait plus parler que celui qui vient à l’heure !
Le temps de polir son image ou l’esthétique de la propagande !
L’appui des musulmans nécessiteux par la mise en place d’un fond sénégalais pour la zakat est un autre pas dans leur volonté de faire du wahabisme, le courant majoritaire. Ce fonds, un véritable trésor de guerre entre les mains de Ahmed Lo, le leader du mouvement wahabite constitue un moyen d’asseoir l’idéologie wahabite à travers un pseudo appui aux populations dans le besoin. Grace à ce pont d’or, des forages, puits, écoles coraniques sont construits dans le Sénégal des profondeurs.
Construction de la future université islamique
De l’avis du Dr Ahmed Lo, figure de proue du wahabisme, l’état du Sénégal leur a octroyé 70 000 m2 pour l’érection d’une Université islamique dans la nouvelle ville de Diamniadio. Ce projet, une continuité après les écoles franco arabes, constitue un danger de plus dans la cohésion nationale. Dr Bakary Samb et Dr Seydi Jamil Niane ont raison d’interpeller l’état en ces termes « en lui facilitant l’élaboration d’un tel projet, sans aucun appel d’offre ou manifestation d’intérêt préalable ou même consultation des différentes familles religieuses du pays, on ne fait qu’accentuer l’importation et une plus grande implantation de l’islam salafiste et wahhabite au Sénégal. De ce fait, l’État sénégalais risque de contribuer à la formation de personnes issus des pays de la sous-région dont les discours et idéologies pourraient porter atteinte, de manière irréversible, à la cohésion nationale et au contrat social sénégalais ».
Un financement de plusieurs milliards a également été signalé aux autorités de ce pays et à certains guides religieux. Cet argent servirait à financer entièrement l’université mais également d’autres activités propres au mouvement. Ce qui explique la possession de plusieurs sites internet, de radios, de télévisions et la mise en place d’une équipe sur le digital pour diffuser l’idéologie salafiste.
À la tête de mouvements associatifs pour la défense de l’islam, ils ont comme objectifs inavoués de rallier à leur cause le maximum de musulmans sénégalais.
Le temps de l’affirmation…
Le processus arrivant à maturation, il est temps pour eux de s’affranchir et d’affirmer leur force. C’est ce qui explique les attaques, de plus en plus acerbes et virulentes constatées contre les différentes confréries de ce pays. Des attaques de plus en plus coordonnées et assumées par leurs responsables.
À visages découverts, sous la houlette d’Omar Sall, un prêcheur à la gueule puante formaté et aviné à l’idéologie wahabite, ils se lancent dans une guerre ouverte contre les tariqas. Le temps de l’affirmation ayant sonné, il faut maintenant combattre les confréries même au péril de leurs vies. Une attitude qu’ils considèrent comme un jihad pour assainir l’islam au Sénégal. Cette confrontation qu’ils souhaitent de tous leurs cœurs va engendrer le chaos et le désordre dans le pays, ce qui ferait leur affaire car on le sait tous, le wahabisme ou le salafisme ne vit que d’anarchie et de trouble. Chassé par l’Arabie Saoudite qui s’en est débarrassée comme un malpropre, vaincu par les perses, anéanti par les Egyptiens, le wahabisme veut faire de l’Afrique de l’ouest son nouveau terreau.
La menace wahabite, devenue réelle, doit interpeller chaque sénégalais car elle transcende toutes les considérations politiques, religieuses ou confessionnelles. Il est important que les confréries unissent leur force pour bouter hors de ce pays le péril wahabite. Il y va de la stabilité de ce pays et de la cohésion de notre nation.
Cheikh Ahmed Atidiani Cherif Dieng
Juriste
Manager Portuaire et Maritime
Président de la Plateforme de Réflexion et d’Orientation des Jeunes Tidianes (PROJET)