Brésil: les défis qui attendent le Président Bolsonaro

Élu dimanche 28 octobre président du Brésil avec 55,1% des suffrages, Jair Bolsonaro, qui entrera en fonction en janvier, devra faire face à de lourds défis, dans un pays déchiré par une campagne délétère, en proie à la violence et au marasme économique.

Pour mettre en place son programme d’extrême-droite prônant notamment le libéralisme économique et la ligne dure pour lutter contre la criminalité, le nouveau chef de l’État, nostalgique de la dictature militaire (1964-1985), aura notamment besoin de s’assurer le soutien au sein d’un Parlement fragmenté.

Dompter le Parlement

Au Brésil, plus de 30 partis sont représentés au Sénat et à la Chambre des députés, ce qui obligera Jair Bolsonaro à nouer des alliances – parfois contre nature – pour obtenir une majorité franche.

Pour gagner le soutien des partis, les derniers présidents leur ont attribué des postes de ministres devenus des chasses gardées, mais le vainqueur de la présidentielle a promis qu’il ne formerait pas son gouvernement d’après les étiquettes politiques.

Lors des législatives du 7 octobre, sa formation, le Parti social libéral (PSL), a vu son nombre de députés multiplié par six, passant de 8 à 52. Elle pourrait même devenir la première force de la Chambre avec le ralliement de parlementaires issus de petites formations.

Mais l’ancien capitaine de l’armée peut compter sur le soutien de puissants lobbys conservateurs, les « BBB » (Bœuf, balle et bible), qui représentent respectivement les intérêts de l’agro-business, des défenseurs de la libéralisation du port d’arme et des églises évangéliques.

Les trois réunis pèsent environ 300 députés, sachant que Jair Bolsonaro aura besoin de 308 élus, les trois cinquièmes de la Chambre, pour faire approuver des amendements à la Constitution, comme la réforme des retraites réclamée urgemment par les marchés.

Toutefois, à la différence des partis, ces forces ne donnent pas forcément de consignes explicites de vote et des revirements sont possibles selon les questions, mais aussi selon la température de l’opinion publique, voire même la cote de popularité du chef de l’État.

Pacifier le plus grand pays d’Amérique latine

Il y a une semaine, Jair Bolsonaro tenait encore un discours incendiaire contre ses opposants, des « marginaux rouges » à qui il ne laissait comme choix que l’exil ou la prison.

De quoi exacerber les tensions, alors qu’il s’est déjà mis une partie de la population à dos avec de nombreuses sorties homophobes, racistes ou misogynes, ainsi que son admiration décomplexée de la dictature.

Lors de son discours après sa victoire dimanche soir, il a pourtant promis de « défendre la Constitution, la démocratie et la liberté ».

Lutter contre la violence

Jair Bolsonaro, qui a frôlé la mort après avoir été poignardé par un déséquilibré le 6 septembre lors d’un bain de foule, sera particulièrement attendu au tournant sur le thème de l’insécurité, un dossier majeur qui inquiète les Brésiliens. C’est en promettant de frapper d’une main de fer la criminalité, dans l’un des pays les plus violents au monde, qu’il a été perçu comme un sauveur de la patrie par la plupart de ses électeurs.

Il propose notamment de faciliter l’accès aux armes aux citoyens pour que « les gens bien » assurent leur auto-défense et de donner une « protection juridique » aux policiers faisant usage de leurs armes en service. Il a d’ailleurs déclaré qu’un « bon voyou » était un « voyou mort ».

Jair Bolsonaro devrait avoir maille à partir avec les organisations des droits de l’Homme, qui critiquent déjà fortement des forces de l’ordre aux méthodes jugées parfois expéditives, alors qu’en 2017, près de 64 000 meurtres ont été commis dans le pays. Un record.

Redynamiser l’économie

Les milieux d’affaires se sont rangés du côté de Jair Bolsonaro, même si celui-ci a avoué son incurie en économie durant la campagne. Ils ont été séduits par le profil de son gourou économique Paulo Guedes, un « Chicago Boy » ultra-libéral, et ses intentions de privatiser à tour de bras pour réduire une dette abyssale qui plombe le pays.

Son principal défi : donner un coup de fouet à une économie, la 8e mondiale, encore chancelante, qui a connu une des pires récessions de son histoire en 2015 et 2016. Par ailleurs le Brésil compte près de 13 millions de chômeurs.

Gérer les conflits ruraux

Jair Bolsonaro devrait faire face à une résistance féroce du côté du Mouvement des travailleurs sans terre (MST), organisation qui réclame une réforme agraire au profit des petits producteurs.

Le programme officiel de campagne du futur président prévoit notamment de qualifier de « terrorisme » les occupations de terre, un des principaux modus operandi du MST pour faire valoir ses revendications.

Il risque aussi de devoir gérer des conflits avec les tribus indiennes revendiquant une délimitation plus claire de leurs terres ancestrales, après avoir promis de ne pas céder « un centimètre de plus » pour la démarcation de territoires autochtones.

Avec AFP et Reuters

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