Chronique de Bouba : “ De manière évidente, Ousmane Sonko est aujourd’hui le leader incontestable de l’opposition…”

« La majorité a toujours raison, mais la raison a bien rarement la majorité aux élections » Jean Mistler

Le Sénégal a encore montré sa maturité à organiser des élections avec sérénité sans déclencher des heurts à l’instar des grandes nations de ce monde. Il est plus qu’évident que lorsqu’on parle de triche, il ne s’agit pas de l’organisation du scrutin ou encore du décompte mais plutôt dans la manière de dresser un fichier électoral tout en déplaçant certains électeurs d’un bureau à un autre à leur insu voire ne pas les inscrire du tout dans le fichier. Ce que nul ne peut expliquer parce que le principe veut que toute personne détentrice de pièce d’identité avec au moins 18ans révolu puisse voter.

Bravo au président de la République qui a su montrer la bonne voie aux citoyens sénégalais de pouvoir déceler le vrai du faux. J’entends bien sur toutes ces personnes encore élues récemment par une coalition de l’opposition et qui sitôt après prise de fonction, ont rejoint la grande coalition présidentielle et qui ont essuyé des tirs de mortiers venant des populations locales. L’analyse n’est pas compliquée, le Sénégal a évolué vers une nouvelle forme de citoyen qui non seulement demande des comptes mais exige aussi des résultats. Les tissus, tee shirts et quelques billets de banque peuvent drainer des foules immenses mais ne suffisent plus à avoir gain de cause. Tous les moyens déployés pour se retrouver coude à coude avec l’opposition qui réclame victoire d’ailleurs, auront été vains.

La bataille des chiffres fait rage. La majorité comme l’opposition revendiquent la victoire. Trop de chiffres avancés mais bien entendu, très peu sourcés, mais selon quelques dernières tendances, la majorité disposerait de 82 députés, contre 80 pour l’inter coalition YAWWallu. Ce qui est sûr, tout est encore possible. Une victoire de l’opposition marquerait une première dans l’histoire du pays et une cohabitation ne semble pas impossible à l’Assembléenationale.

Très difficile cependant d’avoir une cohabitation en Afrique parce que la configuration politique en est toute autre. Les présidents incarnent un régime présidentiel très fort et aujourd’hui deux cas de figure peuvent se dessiner :

1. Il y a cohabitation, le PR perd certes la majorité à l’assemblée et comme la cohabitation l’exige, un premier ministre devra être nommé d’un commun accord avec l’opposition qui aura remporté les élections sauf que le PR, comme durant tous ces derniers mois, ne va pas nommer de premier ministre parce que la dernière choseà laquelle il va s’adonner c’est de diriger avec un homme ou une femme de YAW ou Wallu. Ce qui pourrait expliquer les supposées fraudes à Podor soulevées par l’opposition. De ce fait, la cohabitation ne se limitera qu’à l’assemblée où des projets comme des propositionsde lois seront certes bloqués mais comme la constitution le lui permet il pourra acter par décret ou ordonnance tout en se passant de la chambre parlementaire. Ce qui est certes un faux jeu parce que les règles en sont toutes autres, mais la réalpolitique fait que nos Etats ne sont pas préparés à ce genre de scénario parce que le présidentialisme fort est très ancré dans nos traditions politiques. De ce fait, même avec un gouvernement majoritairement composé d’opposants, le PR pourraitdérouler son programme pour les 14 prochains mois qui nous séparent des présidentielles.
2. Le constat est simple, ce n’est pas du hasard si la mandataire de la majorité à 00h passé, Aminata Mimi Touré, déclare avoir remporté les élections le soir même du scrutin tout en récusant toute possibilité de cohabitation ; ce qui a suscité la réplique automatique du désormais député maire de Dakar, Barthélémy Dias qui vient de dépasser un nouveau seuil dans l’échiquier politique et qui fait de lui un homme à avoir dans ses rangs. Les résultats des dernières présidentielles ont été déclarés bien avant même que le juge Demba Kandji, par sa voix officielle ne les entérine. Le fort présidentialisme africain fera que le passage en force ne sera qu’un autre numéro d’un long feuilleton. Aucun pouvoir présidentiel africain n’acceptera une cohabitation et la pilule passera comme lettre à la poste parce que la voix officielle reste le conseil constitutionnel qui fera ce qu’il a toujours su faire de mieux.

Analyse à faire

Présidentielle 2012 : Macky Sall remporte le second tour avec 65% des voix. En 2019, il remporte au 1er tour avec 58%. Puis les locales arrivent dans la même continuité et l’effet domino se poursuit sur les législatives avec une quarantaine de députés perdus dans l’hémicycle. Le constat est simple, une descente aux enfers sans précédent qui mérite une profonde analyse en interne.
Feu ABC disait que Macky SALL avait un entourage qui le mènerait droit au ravin ! On y est maintenant. Entouré d’hommes et de femmes qui promettent de lui ramener la lune n’était qu’utopie. Aboukarim Sall n’est pas le patron de Mbao, Racine Talla n’est plus le patron de Thiaroye, Bamba Fall n’est plus patron de la Médina, Aziz Gueye n’est pas le patron de Ouakam, Mansour Faye n’est plus le patron de St louis, Mimi Touré de même, Diouf Sarr de même, Idrissa Seck, Aliou Sall, Amadou Hott (un vrai gâchis, un immense technocrate réduit à faire de la politique politicienne), Amadou Ba, Alioune Ndoye…la liste n’est pas exhaustive.
Il est urgent que le PR se rende à l’évidence. Tous ceux qui ont trahi leur électorat pour le rejoindre ont été sanctionnés et non par parce que le peuple ne veut pas de lui mais il n’est pas d’accord avec la politique qu’il mène. La transhumance est révolue, c’est l’affaire des animaux. Encore 19mois pour se débarrasser de toutes ces personnes dont certaines occupent des postes de DG sans aucune expérience ou encore nommés ministres au bon vouloir de la première dame, l’épisode Mbagnick Ndiaye en fut témoin. L’arrogance de cette classe politique de tous camps a atteint le sommet. Cette législature sortante est marquée par des scènes de bagarres, d’insultes, de coups de poings. Indigne d’un pays qui se respecte. Il faut juste faire un ménage et finir en beauté. Les hauts fonctionnaires ne doivent pas faire de la politique et ces postes doivent être désignés sur appel à candidature et éviter des nominations politiques.Ils ont montré leur limite, ils sont incapables. Et qui perd Dakar peut se faire du souci. Le scénario était le même en 2000 et en 2009.
Il manquerait un siège pour que l’alliance présidentielle ait la majorité à l’assemblée. Qui entre Pape Djibril Fall, TAS et Bokk Guiss Guiss (Pape Diop) va se ranger du côté de la majorité pour leur permettre d’obtenir la majorité ? Naturellement le premier cité n’en donne pas l’impression. Le second, au regard de la tournure des évènements ayant marqué sa sortie du gouvernement, pourrait suivre les pas du premier et se ranger du côté des non-alignés. La surprise pourrait venir hélas de Bokk Guiss Guiss qui a un dénominateur commun avec la majorité ; libéral comme elle et tous deux issus de la même formation politique, le PDS. Et si Macky Sall proposait à Pape Diop la primature ? Ce qui lui confèrerait le siège manquant à l’assemblée et de ce fait la majorité serait acquise.

Le scrutin s’est déroulé dans un contexte de hausse des prix, conséquence notamment de la guerre en Ukraine, argument utilisé par l’opposition contre le pouvoir qui met en avant les subventions des produits pétroliers et des denrées alimentaires ainsi que son programme de construction d’infrastructures.Une inflation sans précédent due à deux raisons :

Plus de 80% des denrées de première nécessité sont importées
Plus de la moitié du budget des citoyens est consacrée à ces denrées

A voir les chiffres de la douane, on est content en termes de trésor public mais c’est alarmant, ce qui montre que tout est importé dans ce pays pour une consommation locale. Ce qui veut dire que nous consommons plus que nous produisons et c’est triste parce que cela continuera d’augmenter les prix des denrées tant que le transport maritime continuera de flamber sans parler des prix de vente, de la hausse de la douane de 2 points cette année et bien entendu de la marge des vendeurs. Le consommateur final en paie toujours le prix. C’est plutôt les taxes sur les produits faits en local qui devaient prendre le dessus sur la douane, mais les populations n’en veulent pas et c’est un autre sujet à débattre. L’idée est de développer les industries locales et inverser la tendance pour avoir des prix corrects.

D’ici-là, attendons-nous à une déclaration officielle des autorités compétentes, ce qui va déclencher l’hystérie de l’opposition pour les quelques semaines à venir et tout le monde se remettra dans les rangs comme aux précédentes présidentielles.

De manière évidente, Ousmane Sonko est aujourd’hui le leader incontestable de l’opposition malgré les quelques réticences observées de part et d’autre. Tout est encore à dessiner parce que pour écarter Sonko, le PR, fin stratège qu’il est, pourrait apporter son soutien à Khalifa A SALL qui à coup sûr pourrait se présenter, si dame justice en décide autrement, et certaines voix de YEWI risquent de rejoindre celles de la majorité en faveur de Khalifa SALL sans exclure un potentiel soutien du PUR qui pourrait s’y ajouter. Le président du PUR se prononcera le moment venu mais à noter qu’il a beaucoup de sympathie pour Kh. A. Sall. Il faut reconnaitre que Kh. Salln’a qu’un seul obstacle, c’est la justice. Si toujours condamné, son soutien ira du côté du Pastef avec qui il noue une relation grandissante grâce à la coalition YAW ainsi que le support de Barthélémy qui est désormais une étoile montante, ce qui n’arrange pas la majorité. Et pour disperser les voix de YAW, tout sera fait pour que Kh. Sall soit en face de Sonko et le PUR, 2e force de cette coalition, tranchera. Abdourahmane Diouf, Djibril Fall, TAS, Juge Deme, Thierno Bocoum peuvent et doivent rejoindre la grande inter coalition pour éviter de perdre des voix dans la dissidence. Macky Sall à son tour devra préparer sa sortie en 2024 et commencer à trouver un dauphin qui pourrait porter le flambeau de l’APR et sa coalition.

Le plus important à retenir c’est que désormais, peu importe le camp présidentiel, il doit être de notre culture d’éviter les majorités absolues à l’assemblée pour incarner un certain équilibre des pouvoirs comme la séparation des pouvoirs n’est qu’utopie.

« Nul ne peut cumuler plus de deux mandats consécutifs », article 27 Al.2 constitution du Sénégal

B NDIOUR SOUFY

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