Coups d’états : la démocratie est-elle en train d’être caporalisée au Mali, en Guinée et au Burkina ?

Le Mali, la Guinée Conakry et le Burkina Faso ont désormais comme dénominateur commun d’être trois pays dirigés par des hommes en armes et en uniformes. Le Colonel Assimi Goïta, le lieutenant-colonel Mamadi Doumbouya et le Capitaine Ibrahim Traoré sont respectivement les nouveaux maîtres du Mali, de la Guinée et du Burkina Faso. Ils ont décidé de mettre entre parenthèses le processus démocratique en cours dans ces pays. Ce coup d’arrêt à la démocratie, s’il doit être condamné par tout bon démocrate, ne manque pas pour autant de partisans, qui pensent à tort ou à raison qu’il est la conséquence d’une gouvernance chaotique, des « démocrates ». Si les raisons avancées pour justifier chacun des coups d’Etat pourraient être valables, suffisent-elles réellement pour renverser des régimes démocratiquement élus ? Les crises sociale, politique, sécuritaire, voire institutionnelle qui peuvent expliquer l’irruption de l’armée sur la scène politique ont-elles leurs solutions entre les mains des militaires au pouvoir ? A quand la fin de ces cycles infernaux de coup de force pour s’accaparer du pouvoir ?

Selon une statistique il y a eu plus de 200 coups d’Etats en Afrique de 1960, date d’indépendance de la plus part des Etats, à nos jours. Dans ce décompte peu reluisant, l’Afrique de l’Ouest bat le record, avec comme têtes de proue, le Burkina Faso, le Nigéria, le Mali, la Guinée, le Ghana, la Guinée Bissau, pour ne citer que ces quelques pays. Si les pays anglophones comme le Ghana et le Nigéria ont remédié à leur mal, le coup d’Etat, en se dotant d’institutions fortes, les trois pays francophones, à savoir le Mali, la Guinée Conakry et le Burkina Faso, continuent de s’embourber dans le long feuilleton à multiples épisodes au grand dam de leurs peuples qui sont les plus pauvres d’Afrique. Trois pays sous-développés et à faibles revenus parmi lesquels deux, à savoir le Mali et le Burkina Faso sont confrontés à une insécurité grandissante, consécutive à la déferlante nébuleuse terroriste et le troisième, à savoir la Guinée, renoue avec sa traditionnelle instabilité politique, annihilant tous les efforts de développement. Nombreux sont les citoyens de ces trois pays à applaudir l’irruption de la grande muette sur la scène politique, car ils ont été déçus de leurs politiques. En effet, Ils les mettent sur le banc des accusés en les chargeant de tous les maux dont souffrent leurs peuples et leurs pays. Pour eux c’est la mauvaise gouvernance qui est à la base du sous-développement. Et le sous-développement explique en grande partie l’extrême pauvreté dont sont victimes les populations. Les populations sont dans une telle situation de fragilité et de précarité qu’elles cèdent facilement au clairon des vendeurs d’illusions que sont les forces terroristes. Donc l’insécurité, la corruption, la concussion, l’injustice et le népotisme sont les conséquences directes de la mauvaise gouvernance. Et cette dernière est à la base des coups d’Etat, donc qui pourrait bien justifier selon beaucoup de citoyens de ces pays, l’immixtion de l’armée sur la scène politique

Si les raisons avancées pour justifier chacun des coups d’Etat pourraient être valables, suffisent-elles réellement pour renverser des régimes démocratiquement élus ?

Le Coup d’Etat n’a jamais été une solution à une crise, même sécuritaire. Il crée non seulement l’instabilité, mais aussi et surtout met le pays en retard. Car ses auteurs qui, la plus part des cas n’ont aucune notion de la gestion de l’E tat, et procèdent généralement par pilotage à vue. En plus de l’inexpérience des auteurs du coup d’Etat, l’acte même est imprescriptible dans la plus part des constitutions sous nos tropiques. Autres points néfastes et même dévasteurs du coup d’Etat c’est non seulement un isolement totalement du pays, la fuite des bailleurs de fonds, ensuite le retour à la case départ et surtout la mise à l’écart du peuple qui ne serait plus maître de son destin tant que les hommes en uniformes sont aux commandes. En fin il y aura une incertitude quant à l’atteinte des objectifs que les nouveaux maîtres vont se fixer. Le hic est que dans la plus part des cas les putschistes s’éternisent tant qu’ils ont le soutien de leurs frères d’armes, enterrant ainsi la démocratie. Alors que cette dernière reste la seule alternative pour amorcer le développement dans nos pays.

Les crises sociale, politique, sécuritaire, voire institutionnelle qui peuvent expliquer l’irruption de l’armée sur la scène politique ont-elles leurs réponses entre les mains des militaires au pouvoir ?

Les peuples dans leur légitime naïveté déroulent non seulement le tapis rouge, mais aussi applaudissent les putschistes en fondant sur eux l’espoir de débarrasser leurs pays de tous les maux dont ils souffrent. A commencer par l’insécurité, la corruption, l’injustice, bref à combattre le sous-développement. Cependant la surprise a été généralement désagréable et les attentes lamentablement déçues. En effet, en faisant un petit cours d’histoire, dans ces trois pays, à savoir le Mali, la Guinée et le Burkina Faso, les militaires ont plus géré l’Etat que les civils, donc si bilan catastrophique il y a, les militaires endosseraient plus de la moitié. Donc un coup d’Etat n’a jamais été une solution à une crise, bien au contraire il l’envenime et le dramatise. A titre d’exemple, c’est après le coup d’Etat perpétré par le Capitaine Amadou Haya Sanogo en 2012 au Mali que la Coalition djihado- indépendantiste s’est accaparée de toutes les régions du nord du pays. La montée de la coalition MNLA- JIHADISTE a laissé un tel vide sécuritaire, au même moment une chienlit généralisée était en cours à Bamako mettant aux prises les putschistes, regroupés au sein du CNRDRE et le Front pour la sauvegarde de la démocratie, FDR. Cette coalition a profité pour étendre sa conquête vers le sud jusqu’à Konan.

Le Mali est toujours empêtré dans cette crise dont l’origine est le coup d’Etat du Capitaine Sanogo. Au Burkina l’arrivée de Damiba au pouvoir a été saluée par une foule en délire, pensant trouver le messie pour endiguer l’hydre terroriste. Au bout de huit petits mois le peuple a déchanté, car les espoirs ont été déçus d’où la liesse populaire quand un autre groupe militaire a chassé le lieutenant-colonel Damiba. Donc le peuple a encore jeté son dévolu sur un autre putschiste qui venait de renverser le lieutenant-colonel Damiba. Ah cette fois-ci le Burkina est tombé sur un oiseau rare en la personne du Capitaine Ibrahim Traoré pour nous débarrasser de ces forces du mal qui sèment désolation et crimes odieux, affirme un citoyen Burkinabé avec force conviction. Le temps est le meilleur juge, mais le doute plane encore sur la capacité de cet autre groupe à pouvoir relever le défi sécuritaire, car l’insécurité a été enfantée par certes une situation géopolitique internationale due non seulement à la désagrégation de la Lybie, à la guerre en Syrie, en Iraq et en Afghanistan, dont les rescapés ont élu domicile au sahel semant la chienlit, mais aussi et surtout par le sous-développement.

A quand la fin de ces cycles infernaux de coup de force pour s’accaparer du pouvoir ?

A la question de savoir à quand la fin de ces cycles infernaux de coup de force militaire pour arriver au pouvoir, la réponse serait à coup sûr des réformes en profondeur tant sur la plan politique que socio-sécuritaire permettant de doter nos pays d’institutions fortes et indéboulonnables à l’image de celles du Ghana. Pour cela nos pays auront besoin des militaires de la trempe de John Jerry Rawlings ou de Thomas Sankara, désintéressés et patriotes.

Youssouf Sissoko

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