Kédougou, le paradoxe sénégalais (Charles Faye)

Kédougou ou le paradoxe sénégalais pourrait être le titre d’un film documentaire tant tout y est à l’envers car rien n’y est à l’endroit. Jugez-en vous-même : un sous-sol riche d’or avec du marbre, du fer et autres minerais. Une faune avec des bœufs à faire mourir d’envie Kobe. Une pluviométrie abondante. Des sites touristiques à couper le souffle. Un parc naturel immense. Une diversité culturelle et ethnique époustouflante. Une pauvreté scandaleuse, incompréhensible. C’est dans cette région que le Président Macky Sall va se rendre du 24 au 27 avril prochain, avec cerise sur le gâteau, la tenue du Conseil des ministres le 26 avril.

POLITIQUE – Macky Sall à Kédougou du 24 au 27 avril 2023 et après ? Pourrait-on se demander, ce d’autant que cette visite « plus politique qu’économique » malgré l’enrobage « tournée » et la réunion gouvernementale se tient à moins d’un an de la prochaine présidentielle dont le premier tour est arrêté pour le 25 février 2024.

Mais reconnaissons au Président Macky Sall le mérite d’avoir plus fait que ses prédécesseurs pour la « Terre des hommes », Kédougou, issue du découpage administratif de l’ancienne région de Tambacounda en 2008.  

La route, un « tapis », rend accessible la région qui a longtemps souffert de son « isolation politique » due certainement à la « peur bleue »que le premier président de la République, feu Léopold Sédar Senghor, avait d’un certain Mamba Guirassy, père de l’ancien ministre de la Communication sous Me Wade, Moustapha Mamba Guirassy.

Kédougou oubliée et punie par Senghor ?

« Terrorisé » par Mamba Guirassy père que « Senghor n’osait pas affronter par peur des représailles et de la colère du Mamba noir »,Kédougou, qui y a vu pourtant Senghor venir sur ses terres et y passer la nuit chez le chef de canton Sidibé à Bandafassi, n’a jamais été portée dans le cœur de « Zeng »« Ni aimée »par Senghor, ni par Diouf et encore moins Wade. Sauf peut-être pour son or, son fer, mais surtout son or.

Le premier président sénégalais poussera loin le bouchon jusqu’à ce que ce Kédougou devienne une vue de l’esprit, voire, dans l’imaginaire populaire. 

Les générations des années 1970 et 1980, voire 1990, connaissent bien Fongolimbi pour l’avoir associée trivialement dans leur discussion ou discours, comme pour exprimer le caractère lointain, voire l’absence de civilisation. 

Rappelons qu’un certain Mamadou Dia, président du Conseil arrêté en décembre 1962 et condamné à perpétuité en mai 1963, avec Valdiodo Ndiaye, Joseph Mbaye, Ibrahima Sarr, Alioune Tall et d’autres « diadistes » pour tentatives de coup d’Etat, ont été incarcérés au pénitencier de Kédougou, des villas transformées en prison.

Etait-ce pour « éloigner » Mamadou Dia de ses partisans et diadistes, de l’imaginaire et des cœurs que Senghor tenait à « l’oubli » de Kédougou ou était-ce une terrible erreur stratégique, politique, pire économique et sociale ?

Il faut avoir connu le député-maire socialiste Mamba Guirassy (1933-1993), Mady Cissokho (1930-1993) président de l’Assemblée nationale sous les verts et écouter Amath Danskho (1937-2019) et plus prés de nous Moustapha Mamba Guirassy, Ousmane Sylla maire de Kédougou et actuel directeur général de Dakar Dem Dikk parler de leur parcours de combattant pour aller à l’école pour savoir que la « Terre des hommes »a souffert de l’oubli et des projets politiques. Sans doute par faute de ne pas être « terre sénégalaise ». Sauf peut-être pour les élections. Car, comme toujours quand il s’agit de compter les voies aux fins de suffrages, les promesses foisonnent.

Macky Sall, mieux que ses prédécesseurs

Reconnaissons tout de même à Macky Sall le mérite d’avoir fait mieux. N’oublions pas cependant la publications en 2021 d’une enquête de l’Agence nationale des statistiques et de la démographie (ANSD), consacrée aux conditions de vie des ménages. 2021, c’est hier.

L’enquête soutenant que Kédougou était la deuxième région la plus pauvre du pays avait été menée entre 2018 et 2019. Elle faisait également ressortir des disparités en termes d’accès aux services associés au logement (électricité, internet, eau, assainissement, énergie de cuisson) suivant le milieu de résidence du ménage et la situation de pauvreté.

L’étude soutenait que les populations de la zone rurale et les ménages à faible revenu avaient un accès plus limité à ces services.

Par ailleurs, les résultats de l’enquête évoquaient l’« insécurité alimentaire »soutenant qu’elle était « toujours une réalité au Sénégal », affirmant qu’elle affectait « plus le milieu rural, les pauvres et les régions de Kolda, Kédougou, Sédhiou, Tambacounda et Matam ».

Le rendez-raté avec Kédougou

Et pourtant, Kédougou regorge de possibilités agricoles à perte de vue. Des champs de riz, du fonio snobé par les Sénégalais que des Japonais s’arrachent à 6000 FCFA le kilo. Un prix cher qui s’explique par l’absence de broyeurs. Seules les femmes d’un certain âge s’y adonnent, beaucoup de jeunes filles préfèrent les… orpailleurs.

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A Kedougou, « Terre des hommes », les richesses naturelles, culturelles, géologiques, se conjuguent au pluriel tout comme la pauvreté. Cette région, la plus riche du pays, jusqu’à ce que le gaz et le pétrole ne brûlent du côté de Saint-Louis, brille pourtant par sa pluviométrie abondante, son ouverture sur deux pays voisins (Guinée Conakry et Mali), son sous-sol minier, ses paysages touristiques à couper le souffle, ses diversités culturelles et ethniques à faire pâlir le Kenya. Sans compter sa viande de bœuf court sur patte. Kobe, la célèbre japonaise réputée pour sa viande au prix insoutenable paierait cher pour se rapprocher de Kédougou. Et pourtant !

https://youtube.com/watch?v=M8NRer_u8j0%3Ffeature%3Doembed

Avec ses 16 896 kilomètres carrés, ses sites touristiques, ses monuments historiques, ses collines du pays bassari, son parc Niokolo-Koba, sa faune de Falémé composée d’antilopes, d’hippopotames, de lions, panthères, crocodiles, buffles, phacochères, etc. Ses sites miniers, Kharakéna, l’or de Sabadola, le fer, ses réserves naturelles  (Niéméniké, Thiabédji, Dindéfélo, Oubadji et Bandafassi-Tomboronkoto), ses chutes de dindéfelo, sègou, ses noms aux sonorités agréables à l’oreille (Sareya, Salemata, Kevoye, Ethiolo, Bandafassi, Dimboli, etc.), Kedougou aurait dû être un géant économique.

Mais aurait-il fallu que le chemin de fer y fut ambitieux. Venant de Dakar et de toutes les autres régions afin de desservir Bamako, Conakry. Cela aurait dû en être de même pour le transport aérien avec un aéroport international afin que l’aérodrome ne soit pas qu’une piste pour l’or. 

Il aurait fallu que l’on comprenne quelque chose au tourisme pour faire de Kédougou une redoutable arme culturelle et économique. Il aurait fallu que l’or kédougois reste au Sénégal pour doper la valeur de change. Il aurait fallu que le fer de Kédougou soit transformer sur place avec bien sûr une énergie continue, que son sable rouge soit soigneusement enrichi. 

Il aurait fallu de grandes ambitions pour faire de Kédougou un plateau médical, un hub sous-régional assuré par la défense à la puissance de feu, une joaillerie digne d’Amsterdam, un cadre de festivals, une table de la viande africaine, voire mondiale, un four de céréales. 

Mais enfin ! Macky Sall, le Président qui en a le plus fait pour Kédougou y va pour un court séjour. On nous dira que c’est toujours ça de bon.

Maderpost / Charles FAYE

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