Depuis quelques jours, les échanges tendus entre le président français Emmanuel Macron et le premier ministre du Sénégal Ousmane Sonko, au sujet des bases militaires françaises au Sénégal suscitent de vifs débats. Si la prise de position ferme d’Ousmane Sonko, exigeant le retrait des bases françaises, a été applaudie par de nombreux Sénégalais et Africains, un examen attentif de la situation révèle une réalité différente de ce que l’on imagine souvent.
Une présence militaire réduite et Symbolique
Contrairement aux perceptions dominantes, la France ne dispose plus de base militaire active au Sénégal. En 2010, les accords bilatéraux entre Dakar et Paris ont conduit à la fermeture de la base historique de Bel-Air à Dakar. Aujourd’hui, ce qu’il reste de la présence française se limite à un contingent d’environ 350 militaires. Ces derniers ne remplissent pas des fonctions de défense ou de contrôle du territoire, mais se concentrent essentiellement sur des missions de coopération, de formation et de sécurité pour les entreprises françaises implantées au Sénégal.
Un impact économique local non négligeable
Au-delà de leur rôle sécuritaire, ces 350 militaires travaillent en collaboration avec des civils locaux. En effet, environ 1 500 Sénégalais sont employés dans des postes variés liés aux activités de ces installations. Ces emplois incluent des fonctions de soutien logistique, d’entretien, de restauration, ou encore des services domestiques. Cette coopération représente un apport économique significatif, particulièrement pour les familles concernées.
Une question de souveraineté et de perception
Pour Ousmane Sonko et ses partisans, la question va bien au-delà de la présence militaire. Elle touche à la souveraineté nationale et au symbolisme d’une indépendance pleinement assumée. Cependant, les faits montrent que la France n’exerce plus au Sénégal la même influence militaire qu’à une époque passée. La controverse semble davantage alimentée par des perceptions héritées de l’histoire coloniale et par des enjeux politiques nationaux et continentaux.
Les enjeux d’une coopération repensée
Alors que les appels à une rupture avec l’influence française se multiplient à travers l’Afrique, notamment dans le contexte des récents bouleversements au Sahel, le Sénégal adopte une position plus mesurée. Le gouvernement sénégalais a jusqu’ici maintenu un équilibre entre coopération internationale et affirmation de sa souveraineté. La présence française, bien que minime, est perçue comme une composante parmi d’autres dans le cadre d’un partenariat global.
Conclusion
Le débat autour des bases militaires françaises au Sénégal est révélateur des tensions persistantes entre les anciennes puissances coloniales et leurs anciennes colonies. Cependant, dans le cas spécifique du Sénégal, les données factuelles montrent qu’il ne s’agit pas d’une occupation militaire, mais d’une présence symbolique et économique. Si les revendications d’Ousmane Sonko trouvent un écho auprès des populations, il est crucial de fonder le débat sur des faits pour mieux cerner les véritables enjeux de souveraineté et de développement.Par cette clarification, il apparaît que le véritable défi pour le Sénégal reste de construire un partenariat équilibré, basé sur des intérêts mutuels, tout en préservant son autonomie stratégique et économique.
Par Alioune Badara DIATTA, Conseiller juridique